Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Tartuffe
Article mis en ligne le 3 février 2024

par Arnaud Bassez

"Rien ne reprend mieux les hommes que la peinture de leurs défauts"
Le Tartuffe (préface).
Molière.

Le 30 janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal, a présenté devant l’Assemblée nationale, son discours de politique générale.

Le premier ministre s’est bien gardé de demander un vote de confiance, n’ayant pas de majorité.
Gabriel Attal a évoqué le domaine de la santé.
Pas de réforme d’ampleur, «  Nous allons continuer à réarmer notre système de santé ».
Comme on dit, ça ne mange pas de pain une phrase pareille.

Il compte notamment régulariser des praticiens diplômés hors de l’Union européenne qui exercent déjà en France, mais aussi il n’hésite pas à piller les pays où exercent ces praticiens « Je nommerai un émissaire chargé d’aller chercher à l’étranger des médecins qui voudraient venir exercer en France  », de quoi sans doute irriter ces pays.

Sans s’appesantir sur les difficultés croissantes de l’hôpital dans son ensemble, un communiqué publié le lundi 29 janvier, des directeurs de CHU, doyens de faculté de santé et présidents de commission médicale d’établissement alertait sur un déficit cumulé des trente-deux centres hospitaliers universitaires (CHU) français de 1,2 milliard d’euros fin 2023, après le déficit de 402 millions d’euros fin 2022, (« La capacité d’autofinancement des CHU, et par conséquent d’investissement, a chuté de 86 % » rappelle le communiqué), sans oublier les services d’urgence au bord de l’asphyxie, les fermetures des lignes de smur à l’envi, les départs des professionnels en masse, ni l’arrêt des étudiants infirmiers en cours de formation…

Nous allons nous fixer sur la proposition du premier ministre qui nous concerne. Ou pas. Voire...

 Ouvrir des passerelles
« Une infirmière anesthésiste qui a un bac + 5 et plusieurs années de carrière doit pouvoir, si elle le souhaite, entrer en 3e année de médecine », a annoncé M. Attal.

Je me permets de rappeler au juvénile premier ministre, que ceci est possible depuis fort longtemps.

Avec la modernisation de la procédure Passerelles par l’arrêté du 24 mars 2017, les diplômés en soins infirmiers peuvent accéder directement en 2ème ou 3ème année de médecine pour devenir médecin ou exercer un autre métier dans le secteur de la santé (pharmacien, chirurgien-dentiste, kinésithérapeute…). Ceci reste aussi accessible quand on justifie un master relevant de l’article D. 612-34 du code de l’Education. Toutefois, selon la loi, le nombre de places dans chaque université via la procédure Passerelles est limité à 5 % et il n’est pas possible de candidater plus de deux fois, quelle que soit la filière de santé demandée.

Mr Attal a donc raté son examen de passage auprès des IADE. Depuis 2021, la profession aspire à une reconnaissance de facto à la pratique avancée. Il y a sans doute des manquements dans les procédures de reconnaissance, (1er recours, consultation) mais globalement la profession possède les prérequis nécessaires.

D’ailleurs les conclusions du rapport IGAS n°2022-0110R IGESR n°2022-107 réaffirment le bien-fondé et la nécessité de ces orientations constituantes de la pratique avancée du modèle français.
Vouloir être reconnus comme le sont les quatre types de pratique avancée :

  1. Les sage-femme,
  2. Les Certified Nurse Midwife (CNM),
  3. Les Infirmière anesthésiste -Certified Registered Nurse Anesthetist (CRNA) et
  4. Les Infirmière praticienne -Nurse practioner (NP)

est donc une revendication ancienne, et les IADE ne souhaitent pas évoluer vers la profession médicale.

Point n’est besoin de revenir sur les propos d’un médecin anesthésiste fondateur d’un collectif santé, qui à la demande de la profession IADE sur la reconnaissance de la pratique avancée, n’a eu pour toute réponse « Si vous voulez être en pratique avancée, faites des études de médecine ».
Ce mar partage avec le premier ministre, le concept d’être à côté de la plaque. Si la profession demande la reconnaissance de ce qui est légitime au vu de ce qu’elle est habilitée à faire, ce n’est pas pour faire un autre métier, aussi proche soit-il.

Pour autant, la SOFIA avait proposé un statut « med def » analogue aux sage-femmes dès février 2019. Mais comme toujours, la levée de boucliers médicale et il faut bien le dire IADE n’a pas permis cette évolution. La sortie du livre III est une évidence que la profession n’a pas su prendre, comprendre, entreprendre quand la possibilité s’est offerte à elle en 1999, mais n’a fait que se méprendre puis se faire surprendre en perdant le leadership. De locomotive, les IADE ne sont plus que les wagons. Redoutés par les directions, jadis, ils ne sont plus capables de créer la différence à présent.

Les IADE sont dans l’attente de la refonte du diplôme des infirmiers de soins généraux. Inutile de dire que l’attente sera longue et qu’il y a fort à parier que les instances demanderont à nouveau un rapport pour savoir si les IADE remplissent tous les critères idoines à la pratique avancée.
Les mar seront encore vent debout pour tout ce qui concerne la consultation et autre prérogative (il y a une autre forme de consultation qui n’est pas médicale, mais pédagogique, sophrologique, adaptative... Les IADE se contre fichent de décréter que tel patient est ASA 18 ou 45).

Encore une fois, nous avons eu droit à la flûte en chantier, mais n’est pas Mozart qui veut, malgré la précocité de l’exercice à Matignon.

Bref, l’avancée se fera à reculons, et il est plus que probable, que beaucoup qui lisent ces lignes seront à la retraite quand le dossier de la pratique avancée reviendra sur la table du ministère. S’il revient un jour.

Arnaud BASSEZ
Infirmier anesthésiste diplômé d’État
Président de la SOFIA