Posté : lun. déc. 12, 2011 7:09 pm
La perspective d’une nouvelle pandémie grippale aussi meurtrière que les épidémies du siècle dernier (telle la « grippe espagnole ») continue à inquiéter fortement scientifiques, autorités sanitaires et opinion publique. Si le virus A(H1N1) apparu au printemps 2009 n’a heureusement pas été à l’origine du désastre redouté, beaucoup de chercheurs nourrissent toujours de fortes appréhensions vis-à-vis du virus A(H5N1) responsable de la grippe aviaire. Cette crainte des scientifiques s’explique notamment par la haute virulence de ce virus grippal chez l’homme, avec un taux de mortalité atteignant 58 % parmi les 600 personnes qui en ont été infectées depuis 2003.
Or, si pour l’heure la transmission du virus d’homme à homme a été restreinte à quelques très rares cas, les chercheurs redoutent que l’émergence de mutations spécifiques permette au virus de le faire plus facilement.
« Comparé à lui, l’anthrax ne fait pas peur du tout »
Cette piste de réflexion était notamment au cœur des travaux de l’équipe de Ron Fouchier, chercheur néerlandais très réputé pour son expertise en matière de virus grippaux. Leurs travaux ont tout naturellement porté sur le furet, le modèle le plus fiable pour étudier le comportement des virus grippaux chez l’homme. Le virus auquel ces animaux ont été exposés présentait cinq mutations génétiques par rapport à la souche de virus A(H5N1) la plus fréquente.
Chacune de ces modifications génétiques a déjà été retrouvée dans la nature, mais elles n'ont jamais été présentes conjointement dans un seul virus. Très vite, il est apparu que ce virus créé en laboratoire se transmettait très facilement entre les animaux, sans rien perdre de sa virulence. La dangerosité du virus ainsi obtenu est donc extrêmement élevée. Membre du National Science Advisory Board for Biosecurity (NSABB) des Etats-Unis, Paul Jeim n’hésite pas même à le comparer au charbon. « Je ne connais aucun organisme qui fasse aussi peur que celui-là. Comparé à lui, l’anthrax ne fait pas peur du tout ».
Des travaux très utiles face à la menace du virus H5N1
On le voit, cette prouesse scientifique présentée en septembre lors d’un congrès de spécialistes des virus grippaux réunis à Malte fait l’objet de très nombreux commentaires. Certains vont jusqu’à considérer que de tels travaux n’auraient jamais dû être menés. Une analyse bien trop extrême pour de nombreux observateurs, dont Jean-Claude Manuguerra, directeur de la Cellule d’intervention biologique d’urgence de l’Institut Pasteur qui rappelle dans le Figaro. « Ron Fouchier (…) a émis une hypothèse et l’a validée.
C’est une démarche purement scientifique, qui permet d’apporter des informations intéressantes sur les mutations génétiques qui donnent sa transmibilité au virus ». Ron Fouchier, qui a tenu à rappeler qu’il avait obtenu pour mener cette expérience le feu vert des autorités néerlandaises, a lui-même souligné comment grâce à ses travaux : « Nous savons aujourd’hui quelles mutations surveiller, ce qui, en cas d’épidémie permettra de la stopper avant qu’il ne soit trop tard. Mieux encore, cette découverte va permettre de développer à temps des vaccins et des médicaments ».
Les Américains opposés à la publication des résultats
Si la question de la pertinence d’une telle étude semble donc tranchée, la controverse est bien plus nourrie en ce qui concerne la publication des résultats des manipulations de Ron Fouchier. L’équipe néerlandaise a déjà transmis ses données à la revue Science. Cependant, avant de rendre public le détail des travaux, le comité éditorial du prestigieux magazine a sollicité l’avis du NSABB. Or, ce dernier vient de s’opposer très clairement à la publication. « Les bénéfices de cette publication ne surpassent pas le danger que représente le fait de révéler comment reproduire ce virus » observe dans le New Scientist Thomas Ingelsby, membre du NSABB et du centre de biosécurité de l’université de Pittsburgh en Pennsylvanie. De son côté, Michaël Osterholm, directeur du Center for Infectious Disease and Policy (Minnesota) se montre favorable à une présentation partielle des résultats mais prévient : « Nous ne voulons pas donner à des personnes mal intentionnées un mode d’emploi pour transformer quelque chose de mauvais en autre chose de très mauvais ». Pour l’heure, la réponse définitive de Science, après l’émission de cet avis du NSABB non contraignant, n’est pas encore connue.
De la publication des travaux à la conservation du virus
L’affaire n’est cependant pas sans précédent. En octobre 2005, les travaux de chercheurs américains parvenus à séquencer le virus de la grippe espagnole grâce au prélèvement d’un poumon d’une femme décédée en 1918 en Alaska et enterrée dans le permafrost, avaient soulevé une polémique similaire. Mais à l’époque, le NSABB avait considéré que les risques d’une mise à disposition de ces données étaient inférieurs aux avantages attendus (faut-il y voir ici une préférence accordée à des chercheurs américains ?). En tout état de cause, ces questions relatives à la publication des travaux de Ron Fouchier en appellent d’autres relatives à la nécessité ou non de détruire le virus obtenu par l’équipe néerlandaise.
Pour Jean-Claude Manuguerra, celle-ci semble s’imposer.
source JIM
Or, si pour l’heure la transmission du virus d’homme à homme a été restreinte à quelques très rares cas, les chercheurs redoutent que l’émergence de mutations spécifiques permette au virus de le faire plus facilement.
« Comparé à lui, l’anthrax ne fait pas peur du tout »
Cette piste de réflexion était notamment au cœur des travaux de l’équipe de Ron Fouchier, chercheur néerlandais très réputé pour son expertise en matière de virus grippaux. Leurs travaux ont tout naturellement porté sur le furet, le modèle le plus fiable pour étudier le comportement des virus grippaux chez l’homme. Le virus auquel ces animaux ont été exposés présentait cinq mutations génétiques par rapport à la souche de virus A(H5N1) la plus fréquente.
Chacune de ces modifications génétiques a déjà été retrouvée dans la nature, mais elles n'ont jamais été présentes conjointement dans un seul virus. Très vite, il est apparu que ce virus créé en laboratoire se transmettait très facilement entre les animaux, sans rien perdre de sa virulence. La dangerosité du virus ainsi obtenu est donc extrêmement élevée. Membre du National Science Advisory Board for Biosecurity (NSABB) des Etats-Unis, Paul Jeim n’hésite pas même à le comparer au charbon. « Je ne connais aucun organisme qui fasse aussi peur que celui-là. Comparé à lui, l’anthrax ne fait pas peur du tout ».
Des travaux très utiles face à la menace du virus H5N1
On le voit, cette prouesse scientifique présentée en septembre lors d’un congrès de spécialistes des virus grippaux réunis à Malte fait l’objet de très nombreux commentaires. Certains vont jusqu’à considérer que de tels travaux n’auraient jamais dû être menés. Une analyse bien trop extrême pour de nombreux observateurs, dont Jean-Claude Manuguerra, directeur de la Cellule d’intervention biologique d’urgence de l’Institut Pasteur qui rappelle dans le Figaro. « Ron Fouchier (…) a émis une hypothèse et l’a validée.
C’est une démarche purement scientifique, qui permet d’apporter des informations intéressantes sur les mutations génétiques qui donnent sa transmibilité au virus ». Ron Fouchier, qui a tenu à rappeler qu’il avait obtenu pour mener cette expérience le feu vert des autorités néerlandaises, a lui-même souligné comment grâce à ses travaux : « Nous savons aujourd’hui quelles mutations surveiller, ce qui, en cas d’épidémie permettra de la stopper avant qu’il ne soit trop tard. Mieux encore, cette découverte va permettre de développer à temps des vaccins et des médicaments ».
Les Américains opposés à la publication des résultats
Si la question de la pertinence d’une telle étude semble donc tranchée, la controverse est bien plus nourrie en ce qui concerne la publication des résultats des manipulations de Ron Fouchier. L’équipe néerlandaise a déjà transmis ses données à la revue Science. Cependant, avant de rendre public le détail des travaux, le comité éditorial du prestigieux magazine a sollicité l’avis du NSABB. Or, ce dernier vient de s’opposer très clairement à la publication. « Les bénéfices de cette publication ne surpassent pas le danger que représente le fait de révéler comment reproduire ce virus » observe dans le New Scientist Thomas Ingelsby, membre du NSABB et du centre de biosécurité de l’université de Pittsburgh en Pennsylvanie. De son côté, Michaël Osterholm, directeur du Center for Infectious Disease and Policy (Minnesota) se montre favorable à une présentation partielle des résultats mais prévient : « Nous ne voulons pas donner à des personnes mal intentionnées un mode d’emploi pour transformer quelque chose de mauvais en autre chose de très mauvais ». Pour l’heure, la réponse définitive de Science, après l’émission de cet avis du NSABB non contraignant, n’est pas encore connue.
De la publication des travaux à la conservation du virus
L’affaire n’est cependant pas sans précédent. En octobre 2005, les travaux de chercheurs américains parvenus à séquencer le virus de la grippe espagnole grâce au prélèvement d’un poumon d’une femme décédée en 1918 en Alaska et enterrée dans le permafrost, avaient soulevé une polémique similaire. Mais à l’époque, le NSABB avait considéré que les risques d’une mise à disposition de ces données étaient inférieurs aux avantages attendus (faut-il y voir ici une préférence accordée à des chercheurs américains ?). En tout état de cause, ces questions relatives à la publication des travaux de Ron Fouchier en appellent d’autres relatives à la nécessité ou non de détruire le virus obtenu par l’équipe néerlandaise.
Pour Jean-Claude Manuguerra, celle-ci semble s’imposer.
source JIM