Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Les Halogénés
Article mis en ligne le 5 novembre 2006
dernière modification le 21 avril 2023

par Arnaud Bassez

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Les Evaporateurs HERVE MENU. In JLAR (Les Journées Lilloises d’Anesthésie Réanimation et de Médecine d’Urgence)

Podcast interuniversitaires

Les agents halogénés ; L.J. Van Obbergh

Une vidéo conférence à suivre.


Ami anesthésiste, tu peux sauver le climat !

Vas-y mollo sur les gaz…

Docteur Green | 9 février 2018 | Adrien Renaud

source : whatsupdoc-lemag.fr

Un article publié récemment dans The Lancet montre que l’empreinte écologique des blocs opératoires est loin d’être négligeable. En cause, notamment, certains gaz utilisés en anesthésie, dont l’impact sur le réchauffement climatique est catastrophique. Heureusement, il n’est pas trop tard pour agir.

The impact of surgery on global climate. A carbon footprinting study of operating theatres in three health systems

Parmi les plus grandes menaces qui pèsent sur le climat, on cite souvent les industriels de l’automobile, les partisans des centrales à charbon ou encore Donald Trump. Plus rarement les anesthésistes. Et pourtant, les gaz qu’ils utilisent peuvent être responsables d’une grande partie de l’impact climatique des blocs opératoires, qui sont eux-mêmes le secteur le plus polluant de l’hôpital. C’est en tout cas ce que montre une étude publiée récemment par Andrea MacNeill, Robert Lillywhite et Carl Brown dans le Lancet Planetary Health.

Ces trois médecins ont comparé l’empreinte carbone de trois gros hôpitaux sur deux continents : un établissement américain, un canadien et un anglais. Résultat : chaque opération rejette dans l’atmosphère entre 146 et 232 kilos d’équivalent CO2. Pour donner un élément de comparaison, un voyage Paris-Lyon tout seul dans une voiture moyenne émet moins de 90 kg de CO2 d’après l’éco-comparateur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Parmi les facteurs expliquant ce chiffre, les auteurs de l’étude mettent en évidence un coupable principal : le desflurane, gaz anesthésique au potentiel de réchauffement global 2 500 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone et pouvant expliquer plus de la moitié de l’empreinte carbone de deux des trois établissements étudiés.

Mettre les gaz (ou pas)

« L’utilisation de ce gaz varie beaucoup en fonction des centres, et il y a des endroits en France où il est assez courant », commente le Dr Jean-Claude Pauchard, jeune anesthésiste au CHU de Bordeaux et membre du groupe « développement durable » de la Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar). Celui-ci est justement en train de mener une Évaluation des pratiques professionnelles (EPP) pour sensibiliser ses collègues à l’impact climatique des gaz anesthésiques.

A ce titre, il fait le tour des services pour répandre la bonne parole et marteler son message : des alternatives cliniquement satisfaisantes au desflurane existent. « Ce qui est motivant, c’est que les gens sont plus en plus sensibilisés à cette question », se réjouit-il. Son espoir : « Que l’argument écologique entre dans l’arbre décisionnel du médecin. » Car s’il pense que sa spécialité a un temps d’avance sur les autres en matière de conscience environnementale, il ne se fait pas d’illusion : « A l’échelle de la société, les médecins ont 15 ans en retard ! »

— -

NDLR Le Sévorane est 6 fois moins polluant que le desflurane. Même si le réveil est effectivement plus rapide sous desflurane, il serait bon de penser à changer nos habitudes. Et pourquoi pas, sans doute, passer en aivoc totale. (AB)


La pharmacovigilance appliquée à l’utilisation du sévoflurane et du desflurane : près de 30 années de signalement d’évènements indésirables

Thomas Ebert, MD, PhD, Alex Ritchay, MD, Aaron Sandock, BA, Shannon Dugan, BS

source : www.apsf.org

Volume 4, No. 1 • Février 2021 Bulletin d’infiormation

Summary :

Le sévoflurane et le desflurane ont été introduits sur le marché américain au début des années 90, source de préoccupations en matière de sécurité. Le sévoflurane s’accompagnait d’une réduction de débit de gaz frais, en raison d’inquiétudes quant à la formation de composé A, associée à une nécrose tubulaire rénale constatée dans un modèle réalisé sur des rats.1 Il a été noté que le desflurane irritait les voies aériennes, favorisait les laryngospasmes, et entraînait une activation du système sympathique, une tachycardie et une hypertension.2–6 Nous avons étudié le système de signalement d’évènements indésirables de la Food and Drug Administration (FDA) afin de déterminer si ces préoccupations initiales s’étaient avérées légitimes après 25 ans d’utilisation clinique du sévoflurane et du desflurane.

Introduction

Masque d’anesthésieNous avons exploré la base de données du Système de signalement des évènements indésirables de la FDA (FAERS) à la recherche de preuves (ou d’absence de preuves) d’un lien entre le sévoflurane ou le desflurane et l’apparition d’évènements indésirables pendant l’utilisation clinique de ces deux anesthésiques volatils. La sécurité des anesthésiques volatiles modernes est généralement acceptée, mais les préoccupations liées à leur sécurité ont fait débat à l’époque de leur introduction pour une utilisation clinique et par conséquent, ils méritent une évaluation plus approfondie. Nous justifions notre décision d’utiliser la base de données FAERS par les évènements indésirables historiques, liés à l’utilisation des anciens anesthésiques volatils et des drogues qui induisent un bloc neuromusculaire, qui ont été révélés après leur introduction dans la pratique clinique.7, 8 Lorsque de nouveaux médicaments sont approuvés pour une utilisation courante dans un cadre clinique, avec une population de patients divers et des comorbidités multiples, le processus éprouvé de pharmacovigilance peut permettre de constater de nouvelles inquiétudes en matière de sécurité.9 Par exemple, la toxicité hépatique de l’halothane et les défauts de concentration des urines induits par l’enflurane ont été identifiés après l’introduction de ces gaz anesthésiques dans le cadre clinique.

Pour resituer le contexte, le sévoflurane a été introduit en pratique clinique aux États-Unis en 1995.10 La préoccupation initiale la plus importante en matière de sécurité du sévoflurane était la formation de pentafluoro-isopropanyl-fluorométhyl éther (composé A), un produit de dégradation formé par l’interaction entre le sévoflurane et les absorbants de dioxyde de carbone. Les effets du composé A n’avaient pas fait l’objet de recherches approfondies chez les patients dans les essais de phases 1 à 3 de la FDA.

Cela a donné lieu à la recommandation de réduire le débit de gaz frais (DGF) à 2 litres par minute (lpm), afin de réduire l’exposition des patients au composé A. Les études menées sur des modèles réalisés sur des rats ont indiqué que le composé A pouvait produire des lésions rénales dépendantes des doses, caractérisées par une nécrose tubulaire proximale à des concentrations de gaz inspirés aussi faibles que 114 ppm.1

Des essais de phase IV ont ensuite été réalisés sur des volontaires et des patients soumis à une anesthésie longue au sévoflurane, afin d’examiner le degré d’exposition au composé A et de rechercher les effets nocifs basés sur les marqueurs cliniques de la fonction rénale. Dans l’une de ces études, conçue spécifiquement pour examiner l’exposition prolongée au sévoflurane à un débit de gaz frais de 1 lpm, les concentrations maximales de composé A ont atteint 34 ± 6 ppm, mais aucun changement significatif clinique des marqueurs biochimiques de dysfonction rénale n’a été constaté.11 Des travaux plus approfondis ont permis de découvrir que les humains étaient quasiment dépourvus d’une enzyme appelée β-lyase rénale, une enzyme clé qui transforme la biodégradation du composé A en thiol rénal toxique chez le rat.12

Le desflurane a été introduit en 1992 et sa faible solubilité dans le sang présentait l’avantage clinique d’une induction d’anesthésie et d’un réveil plus rapides, ainsi que potentiellement, un titrage plus rapide pour l’obtention de la profondeur d’anesthésie souhaitée par rapport à d’autres anesthésiques volatils utilisés. Cependant, après le lancement du desflurane, il a été découvert qu’il pouvait activer les réflexes des voies respiratoires en raison de son odeur très âcre.2

Les travaux précliniques avec le desflurane ont également permis de constater une tachycardie et une hypertension occasionnelles inexpliquées et, chez les enfants, un bronchospasme. En raison de la puissance insuffisante du desflurane, des concentrations plus fortes sont nécessaires pour obtenir l’efficacité clinique souhaitée, favorisant ainsi un effet indésirable sur les voies respiratoires en raison de son odeur âcre. Les effets indésirables sur les voies respiratoires étaient associés à une activation du système sympathique pendant l’exposition initiale des voies respiratoires, après l’induction de l’anesthésie et lors des augmentations de concentrations peropératoires.2,3 Notre laboratoire avait démontré la multiplication par 2,5 de l’activité du nerf sympathique, avec une hypertension et une tachycardie survenant lors de l’administration du desflurane après l’induction de l’anesthésie et une activation neurocirculatoire accrue lors de l’augmentation de la concentration de 1,0 à 1,5 CAM.4 Par la suite, les travaux ont indiqué que la lidocaïne nébulisée ne diminuait pas la réponse du réflexe des voies respiratoires, mais que les opiacés présentaient un effet dose dépendant de réduction de l’activation neurocirculatoire.13,14

Dans ce rapport, nous avons exploré la base de données (FAERS) à la recherche d’évènements indésirables associés au sévoflurane et au desflurane après un quart de siècle d’utilisation clinique chez des millions de patients.

Nous nous sommes efforcés de déterminer si l’auto-signalement d’évènements indésirables à la FDA validait les inquiétudes initiales entourant la sécurité du sévoflurane et du desflurane et si de nouvelles préoccupations liées à la sécurité avaient émergé lors de leur utilisation clinique dans une population très large de patients.

Méthodes

Afin de surveiller la sécurité des médicaments dans la pratique clinique, la Food and Drug Administration (FDA) a développé le système FDA Adverse Event Reporting System (FAERS).15 Le FAERS est une base de données en ligne que la FDA utilise pour surveiller tous les médicaments et produits biologiques thérapeutiques approuvés, en évaluant la quantité, la gravité et les suites globales des nouveaux médicaments, dont les anesthésiques volatils. La base de données FAERS a été interrogée à la recherche des évènements indésirables (EI) signalés pour le sévoflurane et pour le desflurane entre 1996 et décembre 2019. À l’aide de filtres démographiques, les EI ont été analysés pour les deux anesthésiques volatils, avec chacune des catégories de groupes d’âges suivantes : 0 à 1 mois, 2 mois à 2 ans, 3 à 11 ans, 12 à 17 ans, 18 à 64 ans, 65 à 85 ans, plus de 85 ans et âge non précisé. Les EI ont été triés par type de réactions. Par exemple, le type de réactions des Troubles cardiaques incluait des réactions spécifiques telles que l’arrêt cardiaque, la dissociation électromécanique (PEA) et la tachycardie ventriculaire entre autres. Pour le présent article, les réactions générales Troubles cardiaques, Troubles rénaux et urinaires et Troubles respiratoires, thoraciques et médiastinaux ont été signalées en plus des réactions spécifiques, par ex. tachyarythmies ventriculaires (tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire, torsades de pointes). Les troubles rénaux spécifiques (oligurie, anurie, lésion rénale aiguë, troubles rénaux/défaillance rénale, trouble/dysfonctionnement de la fonction tubulaire rénale et nécrose tubulaire aiguë) ont été additionnés pour réduire l’incidence d’autres réactions urinaires moins robustes, par exemple la rétention urinaire. Tous les EI ont été cités en pourcentage du nombre total de groupes de réactions de l’anesthésique concerné dans chaque groupe d’âges.

Résultats

L’utilisation du desflurane a conduit au signalement de 1140 EI, la catégorie la plus courante (type de réactions) étant « Lésions, empoisonnement et complications liées aux procédures » (24,9 %). Les quatre sous-catégories principales dans ce type de réactions comprenaient les complications postopératoires, l’exposition fœtale pendant la grossesse, les complications neurologiques de l’anesthésie et la reprise de conscience. Les EI cardiaques étaient classés en seconde position, à 23,9 %, les sous-catégories les plus courantes étant la bradycardie, l’arrêt cardiaque, la tachycardie et la tachycardie ventriculaire. Les EI respiratoires/thoraciques représentaient 19,4 %, où la principale sous-catégorie du bronchospasme comptait pour 2,9 % de l’ensemble des EI liés au desflurane. Les autres EI les plus courants étaient l’hypoxie, la dyspnée et le laryngospasme.

L’utilisation du sévoflurane a conduit au signalement de 4977 EI, avec pour type de réactions le plus courant « Lésions, empoisonnement et complications liés aux procédures » (30,4 %). Les quatre sous-catégories principales comprenaient les complications liées à l’anesthésie, les complications postopératoires, les complications neurologiques de l’anesthésie et la reprise de conscience. Comme avec le desflurane, les EI cardiaques étaient aussi le deuxième type de réactions le plus courant, à 24,4 %. Les sous-catégories les plus courantes comprenaient l’arrêt cardiaque, la bradycardie, la tachycardie et la fibrillation ventriculaire. Les évènements respiratoires/thoraciques représentaient 18,7 % des EI, semblables au desflurane. Les quatre sous-catégories étaient l’œdème pulmonaire, l’hypoxie, l’apnée et le bronchospasme (1,6 % de l’ensemble des EI liés au sévoflurane). Le laryngospasme était la sixième catégorie la plus courante dans les complications respiratoires/thoraciques. Il convient de noter que les troubles rénaux spécifiques représentaient seulement 4,4 % de l’ensemble des réactions signalées concernant le sévoflurane, par rapport à 5,3 % pour le desflurane.

La Figure 1 représente les principaux EI dans le cadre du présent rapport. Le desflurane et le sévoflurane étaient associés à des pourcentages très élevés d’EI cardiaques rapportés dans le groupe d’âges de 85 ans et plus (80 % et 63,6 %). La tachyarythmie ventriculaire était plus fréquemment présente dans la fourchette d’âges comprise entre 12 et 17 ans à 26,8 % pour le desflurane par rapport à 8,2 % pour le sévoflurane. Il y avait très peu d’évènements indésirables dans le groupe d’âges néonataux pour le desflurane, toutefois il tend à ne pas être utilisé pour les patients de moins de 2 ans en raison des recommandations du fabriquant. Le pourcentage d’évènements respiratoires de l’ensemble des EI pour le desflurane par rapport au sévoflurane était considérablement plus élevé dans les tranches d’âges de 2 mois à 2 ans et de 3 à 11 ans.

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Figure 1 : Évènements indésirables (EI) causés par le desflurane et le sévoflurane par tranche d’âges.

Discussion

La base de données FAERS contenait 1140 évènements indésirables signalés pour le desflurane et 4977 pour le sévoflurane. La fréquence des signalements d’EI est liée au nombre total d’administrations de chacun de ces anesthésiques dans la pratique clinique. Cependant le signalement des EI confirme, par la prévalence des EI pour chaque anesthésique, un certain nombre de domaines susceptibles de susciter des préoccupations à propos de ces deux anesthésiques volatils dans le cadre d’une utilisation clinique. Les EI cardiaques étaient le deuxième type de réactions le plus fréquemment signalé pour les deux anesthésiques. Le pourcentage de tachyarythmies ventriculaires était plus élevé avec le desflurane dans une population plus jeune, mais était plus élevé dans une population plus âgée avec le sévoflurane. Les évènements respiratoires étaient plus fréquents que les autres évènements indésirables chez les patients plus jeunes anesthésiés au desflurane. Le plus grand pourcentage dans le type d’EI « Lésions, empoisonnement et complications liées aux procédures » correspondait à la reprise de conscience et aux EI neurologiques, comprenant probablement l’agitation postopératoire et le déclin cognitif.

Il existe un certain nombre de liens entre la base de données FAERS et la science clinique de chaque anesthésique.

Arythmies et anesthésiques volatils : Les études in vitro ont permis de démontrer que le desflurane pourrait augmenter la libération de catécholamines intra myocardique,16 entraînant le déclenchement d’arythmies. Il a été démontré que le desflurane était lié à un plus grand nombre d’arythmies que le sévoflurane lors d’une chirurgie pour pontage aortocoronarien sans circulation extra corporelle,17 et à un taux plus élevé de fibrillations atriales postopératoires après une chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle.18 La variabilité inter-dérivations de l’intervalle QT, appelée « dispersion QT (QTd) », est un marqueur d’anomalies régionales de la repolarisation ventriculaire qui est davantage lié au risque de dysrythmie que l’intervalle QT proprement dit.19 Chez les adultes en bonne santé qui subissent une chirurgie non cardiaque, l’induction de l’anesthésie au desflurane seul (sans prémédication) semblait augmenter considérablement la QTd, alors que l’induction au sévoflurane seul n’influait pas sur la QTd 20. Cependant, lorsque le midazolam et le vécuronium étaient utilisés avant l’intubation, le desflurane et le sévoflurane prolongeaient tous les deux la QTd sans différence notable entre les deux.21 Alors qu’une QTd prolongée peut entraîner diverses arythmies, son lien avec l’activation du système sympathique, plus souvent associée au desflurane, est inconnu.

Troubles respiratoires et anesthésiques volatils : Le pourcentage d’EI respiratoires était élevé dans le groupe de patients plus jeunes. Comme indiqué précédemment, au cours des premières années d’utilisation du desflurane dans la pratique clinique, des préoccupations ont été soulevées concernant son odeur âcre et l’irritation des voies respiratoires. Comme l’ont démontré les études précédentes relatives aux effets respiratoires du desflurane, la différence entre les adultes et les enfants est claire. Dans une étude d’une grande cohorte de 14 000 enfants, les chercheurs ont constaté que l’utilisation du desflurane constituait un facteur de risque d’évènements peropératoires en tous genres, ainsi que de laryngospasme en particulier.5 Dans un essai clinique portant sur 400 enfants en bonne santé, randomisés pour recevoir du desflurane ou de l’isoflurane, ceux qui avaient reçu le desflurane présentaient une fréquence beaucoup plus élevée d’évènements indésirables liés aux voies respiratoires de gravités diverses, allant de la toux au laryngospasme.6 Néanmoins, les résultats sont très différents chez les adultes. Une méta-analyse de 13 essais contrôlés randomisés a montré qu’il n’y avait aucune différence entre le sévoflurane et le desflurane en matière de nombres d’évènements indésirables concernant les voies aériennes supérieures, le laryngospasme, ou la toux au réveil.22 Une autre méta-analyse de sept essais contrôlés randomisés n’a pas retrouvé de différence entre le sévoflurane et le desflurane en matière d’incidence de toux ou de laryngospasme chez les adultes.23

Limitations

La FAERS s’appuie sur le signalement volontaire des évènements indésirables par les soignants et les consommateurs aux États-Unis. Pour cette raison, cette base de données présente d’importantes limites. Premièrement, il n’existe aucune certitude que l’évènement indésirable signalé ait été causé par le médicament en question, car la FDA ne demande pas la preuve d’une relation de cause à effet. Deuxièmement, la FDA ne reçoit pas chacun des évènements indésirables survenant pour un médicament donné. De nombreux facteurs déterminent si un signalement sera déposé, tels que la gravité ou la notoriété liée à l’évènement. Il est attendu que les effets indésirables plus graves, tels que les arythmies cardiaques, seront probablement signalées plus fréquemment que d’autres réactions moins graves, telles que les nausées postopératoires. Pour cette raison, la base de données ne peut pas être utilisée pour calculer l’incidence d’un évènement indésirable donné au sein de la population. La fréquence de l’utilisation du sévoflurane est plus élevée que celle du desflurane chez les patients pédiatriques et adultes.24 Par conséquent, le nombre total d’évènements indésirables d’un anesthésique volatil n’est pas pertinent sans connaître exactement le dénominateur.

Conclusions : Contrairement à d’autres anesthésiques pour lesquels l’utilisation clinique a révélé des inquiétudes nouvelles ou inattendues en matière de sécurité, telles que l’hépatite causée par l’halothane ou l’anaphylaxie induite par le rapacuronium, il ne semble pas qu’après près de 30 années d’utilisation du desflurane et du sévoflurane, on puisse constater des phénomènes indésirables nouveaux ou inattendus. Les études qui identifiaient des modifications neurocirculatoires causées par les effets irritants des voies respiratoires du desflurane, ou l’absence de lésions rénales du sévoflurane, ont été approfondies pour expliquer les conclusions tirées des données auto-signalées dans la FAERS. Le desflurane présentait une forte incidence d’évènements indésirables des voies aériennes chez les populations plus jeunes que l’on ne retrouvait pas chez les patients plus âgés. Des arythmies cardiaques ont été constatées avec les deux anesthésiques et une plus forte prévalence de tachycardie ventriculaire a été notée avec le desflurane chez les patients plus jeunes.

Le Dr Thomas Ebert, PhD, est professeur d’anesthésiologie au Medical College of Wisconsin, Milwaukee, WI, et chef du service d’anesthésie au Clement J. Zablocki Veterans Affairs Medical Center, Milwaukee WI.

Le Dr Alex Ritchay est résident anesthésiste au Medical College of Wisconsin dans le service d’anesthésiologie, Milwaukee, WI.

Aaron Sandock, BA, est étudiant en médecine au Medical College of Wisconsin, Milwaukee, WI.

Shannon Dugan, BS, est assistante de recherche au Medical College of Wisconsin, Milwaukee, WI.

Les auteurs ne signalent aucun conflit d’intérêts.

  • Documents de référence
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De l’intérêt du sévoflurane en réanimation

Publié le 11/04/2023

La sédation des patients en état critique nécessite une adaptation constante aux besoins individuels et aux objectifs du traitement. Les directives internationales actuelles pour la gestion de la douleur et de la sédation des patients dans les unités de soins critiques (USC) donnent la priorité aux médicaments administrés par voie intraveineuse. Pour les patients nécessitant une sédation à long terme, l’utilisation du midazolam et du propofol est bien établie, avec parfois une qualité insuffisante de sédation et des effets secondaires (tolérance, accumulation, délais de sevrage prolongés, accoutumance, symptômes de sevrage) voir parfois des complications plus lourdes telles que le syndrome de perfusion du propofol (PRIS). Les anesthésiques volatils, en tant qu’alternative à la sédation au propofol dans les USC, sont l’objet d’une attention croissante, à la faveur du développement de l’Anesthetic Conserving Device (ACD, AnaConDa®, Danderyd, Suède) qui a rendu leur utilisation plus simple en routine. Des essais contrôlés randomisés récemment publiés, utilisant des volatils avec le dispositif ACD, ont montré des temps de réveil plus courts, une qualité de sédation comparable à celle du propofol ou du midazolam, ainsi que des effets positifs sur la mortalité à l’hôpital et à un an.

L’objectif de la présente étude était de comparer l’efficacité et la sécurité de la sédation des patients d’USC avec le sévoflurane administré à l’aide d’un ACD par rapport au propofol et au midazolam dans le cadre d’un scénario de sédation à long terme. Le résultat principal était le temps de réveil après l’arrêt de la sédation et le temps de sédation cible. Les autres résultats évalués comprenaient l’état hémodynamique, les besoins en opioïdes pendant la sédation, la durée du séjour en USC et à l’hôpital, ainsi que les événements indésirables.

Un essai contrôlé randomisé sur 79 patients de réanimation

Dans cet essai clinique monocentrique de phase IIb, prospectif, contrôlé, 79 patients des USC nécessitant au moins 48 heures de sédation ont été randomisés pour recevoir une sédation soit par du sévoflurane (S) soit par propofol/midazolam (P). La qualité de la sédation a été évaluée à l’aide de l’échelle Richmond-Agitation-Sédation. Après la fin de la sédation, la durée nécessaire à la respiration spontanée et d’extubation, la consommation d’opioïdes, l’hémodynamique, la durée du séjour en USI et à l’hôpital et les événements indésirables ont été notés.

La qualité de la sédation a été jugée tout à fait comparable entre les groupes sévoflurane (n=39) et propofol (n=40). Cependant, l’utilisation du sévoflurane a conduit à une réduction significative du délai de retour à la respiration spontanée (26 min vs 375 min, p < 0,001). Les patients du groupe propofol ont eu des besoins en opioïdes plus faibles (rémifentanil : 400 μg/h vs 500 μg/h, p = 0,007 ; sufentanil : 40 μg/h vs 30 μg/h, p = 0,007) alors que l’état hémodynamique, la durée de séjour ou la survenue d’événements indésirables ne différaient pas entre les deux groupes.

Les anesthésiques volatils : une alternative prometteuse

Bien que cette étude ait inclus un groupe hétérogène de patients atteints de pathologies complexes, comme l’indique le niveau assez élevé du score SAPS II, avec des risques de biais dûs à des variables confusionnelles non enregistrées, la sédation à long terme à l’aide de sévoflurane a été associée à une réduction des temps de sevrage, tout en procurant une qualité de sédation comparable à celle des agents intraveineux.

Conformément aux recherches actuelles, l’utilisation d’anesthésiques volatils dans les USC pourrait être une alternative prometteuse à la sédation conventionnelle avec des anesthésiques intraveineux. Toutefois, il convient de clarifier et de vérifier davantage ces résultats, notamment en ce qui concerne les mécanismes physiologiques sous-jacents, les questions de sécurité et leur pertinence clinique pour les résultats à long terme.

Dr Bernard-Alex Gaüzère
jim.fr

Référence
Soukup J, Michel P, Christel A, et al. Prolonged sedation with sevoflurane in comparison to intravenous sedation in critically ill patients - A randomized controlled trial. J Crit Care. 2023 Apr ;74:154251. doi : 10.1016/j.jcrc.2022.154251.