Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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1 anesthésiste 2 salles, vous avez dit pas de texte ?
Article mis en ligne le 11 décembre 2006
dernière modification le 16 décembre 2022

par Arnaud Bassez

1 anesthésiste 2 salles, vous avez dit pas de texte ?

Très souvent, nous sommes interrogés pour savoir dans quelle mesure un médecin anesthésiste réanimateur peut prendre la responsabilité de deux anesthésies dans deux salles différentes (rarement plus fort heureusement) sans engager sa responsabilité en cas de problème.

Par Maître Philip COHEN - Avocat à la Cour

Il convient immédiatement d’indiquer qu’un médecin anesthésiste réanimateur ne peut seul prendre en charge l’anesthésie dans deux salles différentes sans mettre en danger la sécurité qu’il doit au patient et sans s’exposer en conséquence à voir sa responsabilité mise en cause.

Rappelons en effet :

1. que l’article 32 du code de déontologie médicale, institué par décret, précise :

"Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demanda le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents. "

et que l’article 47 alinéa 1 prévoit par ailleurs que " quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. "

2. Que l’article D712-40 du Code de la santé publique (issu du décret du 5 décembre 1994) dispose :

"Pour tout patient dont l’état nécessite une anesthésie générale ou locorégionale, les établissements de santé, y compris les structures de soins alternatives à l’hospitalisation, doivent assurer les garanties suivantes :

  • 1/ une consultation pré anesthésique lorsqu’il s’agit d’une intervention programmée :
  • 2/ les moyens nécessaires à la réalisation de cette anesthésie ;
  • 3/ une surveillance continue après l’intervention ;
  • 4/ une organisation permettant de faire face à tout moment à une complication liée à l’intervention ou à l’anesthésie effectuées. "

3. Que l’article D712-43 du Code de la santé publique (décret précité) prévoit en son deuxième alinéa :

" Les moyens prévus au 2° de l’article D712-40 doivent permettre de faire bénéficier le patient :

 I/ d’une surveillance clinique continue ;

 2/d’un matériel d’anesthésie et de suppléance adapté au protocole anesthésique retenu. "

4. Que l’article D712-45 du Code de la santé publique (décret précité) précise :

" La surveillance continue post-interventionnelle mentionnée au 3° de l’article D712-40 a pour objet de contrôler les effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et de faire face, en tenant compte de l’état de santé du patient, aux complications éventuelles liées à l’intervention ou à l’anesthésie.

Cette surveillance commence en salle dès la fin de l’intervention et de l ’anesthésie.

Elle ne s’interrompt pas pendant le transfert du patient.

Elle se poursuit jusqu’au retour et au maintien de l’autonomie respiratoire du patient, de son équilibre circulatoire et de sa récupération neurologique ".

5. Qu’en toute logique des dispositions précitées, l’article D712.42 du Code de la santé publique (décret précité) dispose :

"Le tableau fixant la programmation des interventions est établi conjointement par les médecins réalisant ces interventions, les médecins anesthésistes réanimateurs concernés et le responsable de l’organisation du secteur opératoire en tenant compte notamment des impératifs d’hygiène de sécurité et d’organisation du fonctionnement du secteur opératoire ainsi que des possibilités d’accueil en surveillance post-interventionnelle ".

De même que l’article D712-48 précise que les horaires d’ouverture de la salle de surveillance post- interventionnelle "doivent tenir compte du tableau fixant la programmation des interventions mentionné à l’article D7J2-42 et de l’activité de l’établissement au titre de l accueil et du traitement des urgences ".

6. Que l’article 1.0 du décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier dispose que :

"l’infirmier Anesthésiste Diplômé d’Etat est seul habilité, à condition qu’un médecin anesthésiste réanimateur puisse intervenir à tout moment, et après qu’un médecin anesthésiste réanimateur a examiné le patient et établi le protocole, à appliquer les techniques... " d’anesthésie générale ou locorégionale et de réanimation per opératoire et " qu’il accomplit les soins et peut, à l’initiative exclusive des médecins anesthésistes réanimateurs, réaliser les gestes techniques qui concourent à l’application du protocole ".

7. Que les recommandations de la SFAR concernant la période pré anesthésique précise que :

"le médecin anesthésiste étant coresponsable de la sécurité de l’opéré, ne doit pas accepter, urgences mises à part, un programme opératoire compromettant cette sécurité. Par conséquent, celui-ci est élaboré conjointement par l’opérateur et l’anesthésiste ".

8. Que les recommandations de la SFAR concernant la surveillance des patients en cours d’ anesthésie précise que :

"Si le médecin anesthésiste réanimateur est amené à quitter la salle d’opération, il confie la poursuite de l ’anesthésie à un autre médecin anesthésiste réanimateur qualifié. S’il la confie à un médecin anesthésiste réanimateur en formation ou à un infirmier anesthésiste, il reste responsable de l’acte en cours et peut intervenir sans délai. Les médecins en cours de spécialisation en anesthésie - réanimation ne remplissant pas encore les conditions pour effectuer des remplacements, ainsi que les infirmiers anesthésistes ne sont pas habilités à réaliser une anesthésie en l’absence d’un médecin anesthésiste réanimateur qualifié. Ils ont essentiellement une fonction d’assistance et de surveillance, "

9. Que les recommandations de la SFAR concernant l’anesthésie du patient ambulatoire prévoit en leur article 3-2 que :

" les conditions de la surveillance de l’anesthésie, qu’elle soit générale, locorégionale ou qu’il s’agisse d’une sédition intraveineuse sont celles indiquées dans les " recommandations " de la SFAR concernant la surveillance du patient anesthésié. "

10. Que les recommandations de la SFAR concernant le rôle de 1-IADE précise enfin :

"Article 2.1. L ’IADE sur site d’anesthésie

La composition de l’équipe d’anesthésie, son importance numérique, la répartition des rôles, la plus ou moins grande autonomie de l’IADE dans le déroulement de l’acte, sont déterminés par le niveau de complexité et d’intervention projetée, le degré de gravité de la pathologie et l’état antérieur du patient. Toutes ces données sont évaluées par le médecin anesthésiste réanimateur au cours de la consultation d’anesthésie et mentionnées par lui dans le dossier d’anesthésie.

2.1.1. Activités de soins

L’IADE travaille en équipe avec le médecin anesthésiste réanimateur. La nature de ce travail tient à la fois de l’exécution de prescription médicales et de la réalisation de tâches clairement précisées, qui lui sont confiées en fonction de sa compétence propre. L’intervention de l’un ou de l’autre varie selon l’importance des actes d’anesthésie et de chirurgie. L IADE peut, en présence du médecin anesthésiste réanimateur, procéder à l’induction d’une anesthésie générale suivant la prescription du médecin ou le protocole établi. Le médecin anesthésiste réanimateur peut lui confier la surveillance du patient en cours d’anesthésie à la condition expresse de rester a proximité immédiate et de pouvoir intervenir sans délai. Le médecin anesthésiste réanimateur doit être obligatoirement et immédiatement informé de la survenance de toute anomalie.

L’IADE participe à la réalisation des anesthésies locorégionales. Il est habilité à pratiquer des réinjections par la voie du dispositif mis en place par le médecin anesthésiste réanimateur suivant les prescriptions écrites de ce dernier.

La participation de l ’IADE à l’anesthésie du patient ambulatoire obéit aux mêmes règles.

Face à une urgence extrême et vitale, l ’IADE est tenu de mettre en œuvre, sans attendra les gestes d’urgence et de survie relevant de sa compétence. Il est souhaitable que des protocoles couvrant ces situations soient établis dans chaque service ou équipe d’anesthésie réanimation. L’IADE doit, dans de telles situations, rédiger un compte rendu destiné au responsable concerné du service d’anesthésie et de réanimation. "

En résumé, il résulte de l’ensemble des textes précités qu’un médecin anesthésiste réanimateur ne peut prendre la responsabilité de l’anesthésie dans deux salles d’opération différentes qu’à la condition que l’induction anesthésique soit réalisée soit par lui-même, soit en sa présence par un IADE, que la surveillance per opératoire puisse être réalisée soit par lui-même, soit par un IADE.

En cas de complications sur l’un des deux sites d’anesthésie dont la surveillance per opératoire est assurée par un IADE, ce dernier peut immédiatement faire appel au médecin anesthésiste réanimateur se trouvant dans l’autre salle de bloc opératoire nécessairement à proximité, et par l’inversion immédiate des prises en charge de la complication per opératoire dans une salle et de la surveillance per opératoire dans l’autre salle, assurer effectivement la continuité des soins et la sécurité des patients.

La méconnaissance de ces conditions de sécurité anesthésique dans l’établissement de la programmation opératoire et dans le fonctionnement d’ensemble des activités en plateau technique, constituant nécessairement une situation potentielle de mise en danger des patients, entraînera nécessairement en cas d’accident non seulement la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur et / ou de l’IADE, mais également du chirurgien et de l’établissement qui ne pouvaient méconnaître les obligations réglementaires précitées et ont participé à la création d’une telle situation dangereuse, manquant à leurs propres obligations contractuelles envers les patients.

Le rappel des textes précités rend inutile, vous l’avez compris de longs développements supplémentaires sur l’hypothèse d’un médecin anesthésiste et de plus de deux salles d’opération, quand bien même il y aurait un IADE dans chaque salle d’opération car en cas d’incidents simultanés, toujours possibles, l’anesthésiste n’a toujours pas le don d’ubiquité..

Contrairement à l’idée encore trop souvent reçue, si les anesthésistes doivent effectivement répondre à la demande d’activité de leur établissement, ils ne peuvent le faire et l’établissement ne peut le leur demander au mépris des règles de sécurité anesthésique dont le caractère le plus souvent réglementaire les rend opposable à tous.

Philip COHEN - Avocat à la Cour

source site du snarf

Un anesthésiste peut-il surveiller plusieurs salles simultanément (SHAM)

Un anesthésiste peut-il surveiller plusieurs salles simultanément ?

Le 09/09/20 - Dernière mise à jour le 27/05/21

Source : sham.fr

Quels sont vos droits et vos devoirs ?

 Les règles communiquées

Les dispositions relatives aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité d’anesthésie (1) n’imposent pas de présence « constante » du médecin anesthésiste réanimateur (MAR) auprès du patient durant toute l’anesthésie, mais exigent des établissements de santé, la mise en place d’une « organisation permettant de faire face à tout moment à une complication liée à l’intervention ou à l’anesthésie effectuée » (2).

Les recommandations de la SFAR précisent par ailleurs que :

« si le MAR est amené à quitter la salle d’opération, il confie la poursuite de l’anesthésie à un autre MAR qualifié. S’il la confie à un MAR en formation ou à un infirmier anesthésiste, il reste responsable de l’acte en cours et peut intervenir sans délai ».

Les dispositions régissant les compétences des IADE (3) imposent quant à elle la présence d’un MAR pouvant « intervenir à tout moment ». Dès lors, la prise en charge de plusieurs anesthésies simultanées par un seul MAR n’est pas, en elle-même, contraire à la réglementation à condition qu’elle permette d’assurer un niveau de sécurité suffisant pour les patients en cas d’incident anesthésique (MAR « à portée de voix »).
Nos recommandations

A ce titre, et sous réserve de l’appréciation des juges, un MAR pour deux salles, associé à la présence constante d’un IADE auprès du patient semble admis comme étant un niveau de sécurité suffisant, étant précisé qu’il convient éventuellement de renforcer la présence médicale en cas d’intervention particulièrement risquée.
Au-delà de ce ratio, la sécurité des patients pourrait être compromise. En effet, plus le nombre de salles surveillées par un même MAR est élevé, plus les capacités de d’intervention en temps utile de l’anesthésiste auprès du ou des patients en souffrance sont réduites.

En conséquence, il appartient aux anesthésistes et à l’établissement concerné de déterminer une organisation permettant d’assurer un tel niveau de sécurité pour les patients anesthésiés.
Le tableau fixant la programmation des interventions est établi conjointement par les médecins réalisant ces interventions, les médecins anesthésistes-réanimateurs concernés et le responsable de l’organisation du secteur opératoire, en tenant compte notamment des impératifs d’hygiène, de sécurité et d’organisation du fonctionnement du secteur opératoire ainsi que des possibilités d’accueil en surveillance post-interventionnelle.

L’article 32 du code de déontologie médicale rappelle en effet que « dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ».

En cas d’accident médical les experts, les juges, les commissions CCI se pencheront sur la qualité de l’organisation qui est alors mise en place.

Seront pris en compte :

L’existence de protocoles d’appel d’urgence
La possibilité de mobiliser un MAR d’astreinte ou de garde (en plus de ceux qui sont en salle)
L’existence d’un programme de formation en équipe avec séances de simulation
L’élaboration d’une liste des actes effectués par les chirurgiens et qui nécessitent la présence d’un voire deux MAR (chirurgie pédiatrique)
...

Pour résumer, au-delà du respect des réglementations et recommandations, il est indispensable de pouvoir exposer, si besoin, une véritable démarche d’amélioration continue de la sécurité anesthésique.

(1) articles D. 6124-91 à D. 6124-103 Code de la Santé Publique
(2) article D.6124-91 CSP
(3)article R. 4311-12 CSP