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Quelle est la responsabilité du médecin passager français intervenant auprès d’un passager malade ?
Article mis en ligne le 11 décembre 2006

par Arnaud Bassez

Article vu sur le site de la MACSF

Quelle est la responsabilité du médecin passager français intervenant auprès d’un passager malade ?

La mise en jeu des responsabilités du médecin passager

La jurisprudence française mettant en cause directement un médecin passager est inexistante.

Le médecin passager peut être considéré comme un préposé du transporteur aérien, comme un gérant d’affaire ou comme intervenant à titre personnel s’il n’y a pas été invité par le commandant de bord. Pour le médecin passager intervenant à bord d’un aéronef, la mise en jeu de sa responsabilité est triple : civile, pénale et ordinale.

 La responsabilité civile du médecin passager n’est pas, dans la majorité des cas, de type contractuelle envers le passager malade mais délictuelle du fait de l’absence de formation de contrat entre le médecin passager et le passager malade, de la gratuité de l’acte médical, d’une condition d’obligation de moyens pas toujours remplie puisque le médecin est dépendant du contenu de la boîte de premiers secours, etc. La condition de cette responsabilité est liée à l’existence d’un fait dommageable, ou faute, ayant entraîné un préjudice avec un lien de causalité direct et certain entre les deux. Si la responsabilité d’un médecin passager est engagée, la prise en charge financière de l’indemnisation de la victime sera assurée par sa compagnie d’assurance. La plupart des assurances couvrent la responsabilité civile contractuelle et délictuelle du médecin. Actuellement de nombreuses compagnies aériennes, dont Air France, assurent les actes des médecins passagers en tant que prestataires bénévoles. Si le médecin passager cherchait à se faire dédommager financièrement auprès du passager malade, cette assurance ne couvrirait plus ses actes de médecin passager. En matière civile, il n’existe pas une compétence obligatoire attachée à l’Etat d’immatriculation de l’aéronef ; le médecin passager pourra être poursuivi pour les fautes commises dans l’action, aussi bien que pour les conséquences de son abstention, devant toute juridiction compétente : celle de son domicile, mais aussi celle du domicile de la victime.

 La responsabilité pénale est engagée, comme nous l’avons vu, en cas d’omission de porter secours mais également en cas de blessures ou d’homicide involontaires ou de mise en danger d’autrui qui existe même si aucun préjudice n’a été causé au patient. Les fautes mettant en jeu la responsabilité pénale du médecin sont la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements. Depuis l’article 4-1 du code de procédure pénale, l’absence de responsabilité pénale n’est plus un obstacle à la responsabilité civile du médecin. Il n’y aura ensuite dommage, au sens pénal du terme, que si l’intégrité physique ou psychique de la victime a été touchée ou si sa vie a été mise en danger - même si elle s’en sort indemne - au titre de la mise en danger d’autrui. Enfin, il faut qu’il y ait un lien de causalité entre la faute et le dommage pour que la responsabilité pénale du médecin soit reconnue.

 Enfin la responsabilité ordinale est également engagée en cas de non respect du code de déontologie médicale auquel les médecins français sont soumis, même à l’étranger.
Le statut du médecin passager

La Convention de Varsovie, qui a pour but l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, a été signée le 12 octobre 1929. Son objet est assez large et couvre la responsabilité du transporteur et de ses préposés. La Convention de Varsovie est applicable pour la réparation et non pas la sanction qui est du domaine du droit pénal.

 L’intervention du médecin passager pourrait être qualifiée de gestion d’affaires et donc de quasi-contrat. Il y a gestion d’affaires lorsqu’une personne (le gérant) intervient spontanément et de façon opportune dans les affaires d’une autre personne (le géré ou le maître de l’affaire) pour les gérer dans l’intérêt de celle-ci. Toutefois, de nombreux arguments permettent d’exclure cette hypothèse. En effet, le géré ne doit ni consentir ni refuser l’intervention ; l’intervention du gérant ne doit pas être contrainte ou se faire au titre d’une obligation légale ou naturelle. Par contre, si le gérant subit un dommage, le géré doit l’indemniser ; ainsi, le médecin passager qui a subi un dommage en intervenant auprès d’un passager malade a intérêt à ce que ce régime s’applique.

 Le médecin passager pourrait également être qualifié de préposé de la compagnie. La responsabilité pour fait d’autrui est-elle applicable ? La qualité de préposé du transporteur aérien peut-elle être reconnue au médecin ? Le médecin passager appelé par un membre de l’équipage devient alors un préposé occasionnel du transporteur aérien, c’est-à-dire une personne qui, en dehors de tout contrat, se trouve momentanément placée sous l’autorité d’une autre. Le transporteur deviendrait ainsi responsable des actes du médecin passager, accomplis pour gérer cette urgence médicale.

. Si la qualité de préposé est reconnue au médecin passager, le passager malade pourra agir en responsabilité non seulement contre le transporteur aérien, en vertu de la Convention de Varsovie, mais aussi contre le médecin passager. Le régime de responsabilité propre du préposé est soumis au droit national applicable. En France, la faute du médecin passager devra être prouvée par le passager malade. Le transporteur aérien ne pourra s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve d’une faute du passager malade ou d’une faute intentionnelle du médecin passager.

. Si la qualité de préposé n’est pas reconnue au médecin passager, lui seul peut être poursuivi car la Convention de Varsovie ne sera pas applicable. Le passager malade aura tout de même un droit d’action contre le transporteur s’il a subi un dommage, indépendamment de la responsabilité du médecin.

 Si le médecin passager intervient de son propre chef auprès d’un passager malade, sans y avoir été autorisé par le commandant de bord, il sera seul responsable de ses actes et ne sera couvert en cas de faute que par sa propre assurance.