Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
Slogan du site
Descriptif du site
Et si le médecin ne répond pas à l′appel ?
Article mis en ligne le 11 décembre 2006
dernière modification le 26 septembre 2013

par Arnaud Bassez

article vu sur le site de la MASCF

Quelle est la responsabilité du médecin passager français s’il ne répond pas à l’appel ?

Il est important de connaître l’immatriculation de l’aéronef ; en effet, l’article 3 de la Convention de Tokyo précise que « l’Etat d’immatriculation de l’appareil est compétent pour connaître les infractions commises et les actes accomplis à bord ». Toutefois, ce même article indique que « la présente Convention n’écarte aucune compétence pénale exercée conformément aux lois nationales ». On citera également l’article 113-4 du code pénal qui précise que « la loi française est applicable aux infractions commises à bord des aéronefs immatriculés en France, ou à l’encontre de tels aéronefs, en quelque lieu qu’ils se trouvent ». Ce système, qui peut paraître de prime abord contradictoire, ne l’est pas lorsque l’on sait que la Convention de Tokyo a pour but d’éviter un vide législatif, notamment lorsqu’un aéronef se trouve au-dessus de la haute mer ou de régions ne dépendant pas de manière précise d’un Etat déterminé. La priorité accordée à l’Etat d’immatriculation, sans exclusion d’autres compétences, s’explique en outre par les formes modernes d’exploitation aérienne qui dissocient l’immatriculation et l’exploitation.

Le médecin à bord d’un avion immatriculé en France a pour obligation légale de répondre à l’urgence médicale, d’une part en tant que citoyen sur les fondements du code pénal, d’autre part comme médecin sur les fondements du code de déontologie médicale.

 L’article 223-6 du code pénal définit le délit de non-assistance à personne en danger pour tout citoyen français. Pour que le délit d’abstention volontaire soit constitué, il faut que la personne en état de porter secours ait connaissance d’un péril immédiat, constant, rendant son intervention nécessaire, mais également qu’elle ait refusé volontairement et intentionnellement d’intervenir. L’assistance peut être une action personnelle ou le simple fait de prévenir les secours afin d’assurer la continuité des soins dans la limite de l’efficacité immédiate. La jurisprudence précise que la faute du médecin sera retenue dans la plupart des circonstances où le malade est en péril, que l’assistance du médecin soit utile ou inefficace et que le médecin soit compétent ou non, qualifié ou non, en exercice ou non au moment des faits. De plus, pour que le délit de non-assistance à personne en danger ou d’omission de porter secours soit commis par le médecin passager, il doit clairement avoir été averti et s’être abstenu d’intervenir volontairement alors qu’il ne pouvait invoquer d’excuse majeure (maladie ou inaptitude physique, incapacité transitoire liée à l’obligation qu’il a de donner des soins de manière urgente à un autre malade). La sanction maximale qui en découle est de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Cette omission de porter secours peut être révélée suite à une dénonciation d’un passager ou à une enquête du ministère public.

 L’article 9 du code de déontologie médicale (article R. 4127-9 du code de la santé publique), indique que « tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires ». L’article 70 de ce même code (article R. 4127-70 du code de la santé publique) pose le principe d’universalité du diplôme de docteur en médecine et ainsi ne permet pas à un médecin de refuser d’apporter son aide ou de prodiguer des soins même s’il n’est pas spécialiste de la pathologie dont souffre le passager malade. Ainsi, on peut considérer que la notion d’urgence fait passer au second plan pour un médecin l’impossibilité qui existe, hors contexte d’urgence, d’intervenir dans un domaine de haute technicité sans avoir une quelconque compétence ou spécificité en la matière : le fait d’être docteur en médecine est suffisant. En effet, dans une situation d’urgence, il n’est exigé aucune condition de diplôme de celui qui se porte au secours d’une personne en péril.

Lorsque l’aéronef est immatriculé à l’étranger, le médecin passager français reste soumis à l’article 9 du code de déontologie médicale. Selon l’article 113-11 du code pénal, la loi pénale française est applicable aux crimes et délits commis à bord ou à l’encontre des aéronefs non immatriculés en France si l’auteur ou la victime est de nationalité française, si l’aéronef atterrit en France après le crime ou le délit et si, enfin, l’aéronef a été donné en location sans équipage à une personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence permanente, sur le territoire français. Ainsi, le médecin passager français ou non engage sa responsabilité pénale et des poursuites pourront être dirigées contre lui en France, même si l’Etat d’immatriculation de l’aéronef ne reconnaît pas le délit d’omission de porter secours. Dans ce dernier cas, le médecin passager français ne pourra pas, bien évidemment, être poursuivi à l’étranger si cet Etat ne reconnaît pas la non-assistance à personne en danger. Par contre, si l’Etat d’immatriculation de l’aéronef reconnaît ce délit, le médecin passager français pourra alors être poursuivi par la justice de ce même Etat.

On constate donc que les responsabilités ordinale et pénale sont toujours applicables pour le médecin passager français indépendamment de l’Etat d’immatriculation de l’aéronef dans lequel se passe l’incident médical. Il en est tout autrement aux Etats-Unis d’Amérique où il n’existe pas, dans la majeure partie des Etats fédérés, d’obligation légale générale d’assistance à personne en danger ; ceci concerne aussi bien le citoyen américain qu’un médecin américain ! Toutefois, afin d’éviter une dérive abstentionniste face aux urgences médicales, les Etats ont adopté le « Good Samaritan Act ». Il permet une immunité juridique contre des poursuites pénales et des dédommagements financiers quand le sauveteur se comporte et agit de façon prudente et raisonnable. La législation du Royaume-Uni ignore également la non-assistance à personne en danger ; il en était de même il y a encore quelques années au Canada mais des modifications rendent maintenant l’omission de porter secours condamnable.

Auteur : Dr Dedouit, Barguin, Tournel & Pr Hedouin, Gosset