Re: Articles sur la santé
Posté : sam. févr. 18, 2017 3:50 pm
Publié le 09/02/2017
Suicide de Jean-Louis Mégnien: un « homicide involontaire » pour l’inspection du travail
Paris, le jeudi 9 février 2017 – Le 17 décembre 2015, le professeur de cardiologie Jean-Louis Mégnien, père de cinq enfants, mettait fin à ses jours en se jetant du septième étage de l’Hôpital européen Georges Pompidou. Différentes enquêtes avaient été immédiatement diligentées pour faire la lumière sur les circonstances de ce drame. Très vite, les difficultés professionnelles rencontrées par le praticien depuis plusieurs années ont été évoquées. Il est notamment apparu que le cardiologue semblait être la première victime de luttes intestines au sein du Centre de médecine préventive cardiovasculaire (CMPV). Après avoir été évincé de sa direction (en dépit d’un accord initial), le praticien a ainsi vu ses conditions de travail considérablement se dégrader (suppression de bureau et de secrétariat, attitudes méprisantes marquées etc.). Ses nombreux appels à l’aide étant demeurés sans réponse, le professeur Jean-Louis Mégnien a présenté les premiers signes d’une dépression, mais demeurait fermement attaché à son travail. Après un arrêt de travail de plusieurs mois, quelques jours après sa réintégration (nullement accompagnée par son service qui avait même fait procéder au changement de serrure du bureau du praticien sans l’en avertir), Jean-Louis Mégnien se suicide à l’hôpital.
Anne Costa épinglée
Les rapports publiés jusqu’à aujourd’hui n’ont pas voulu se prononcer sur l’impact du probable harcèlement subi par le praticien dans son passage à l’acte (sans parler du fait que les conclusions de l’Inspection générale des affaires sociales n’ont pas été rendues publiques pour le motif singulier qu’elles porteraient atteinte à certains des responsables de l’HEGP). Néanmoins, des dysfonctionnements certains ont été reconnus, que ce soit dans la procédure de désignation du chef du CMPV ou dans le traitement de la situation du praticien. Aujourd’hui, l’Inspection générale du travail va plus loin. Dans un rapport dont les conclusions sont révélées par le Figaro, il fait du suicide de Jean-Louis Mégnien un homicide involontaire. Toujours selon le quotidien, les conclusions des deux inspecteurs se montrent particulièrement sévères à l’encontre de l’action (et/ou de l’inaction) de la directrice de l’établissement, Anne Costa (qui doit bientôt quitter l’HEGP) dont la position a toujours été critiquée par les proches de Jean-Louis Mégnien. L’association des amis du cardiologue s’étonnait notamment récemment qu’aucune menace ne pèse sur la directrice de l’établissement, bien qu’elle ait probablement failli à sa mission d’arbitre impartial.
L’organisation avait été rudement critiquée pour cette dénonciation par plusieurs associations de directeurs d’hôpitaux. Mais aujourd’hui, le rapport de l’inspection générale du travail semble lui donner raison. Ce dernier a été transmis au procureur de la République de Paris, alors qu’une instruction judiciaire a déjà été ouverte. Cette nouvelle étape devrait sans doute relancer les demandes de l’association des amis de Jean-Louis Mégnien en faveur de la publication des conclusions de l’IGAS et d’une diligence plus soutenue dans la mise en œuvre de sanctions à l’encontre des directeurs d’hôpitaux suspectés de favoriser le harcèlement professionnel.
Aurélie Haroche
Copyright © http://www.jim.fr
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Suicide d’un infirmier à l’HEGP : la communauté soignante de nouveau sous le choc
7 février 2017 | Malika Surbled
Après le suicide par défenestration d'un infirmier à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) dans la nuit de dimanche à lundi, la communauté soignante est de nouveau sous le choc.
Certes, le lien de causalité entre le passage à l'acte et le travail de l'infirmier n'est pas établi. Certes, l'infirmier n'était pas de service ce jour là. Mais il s'est défenestré depuis le huitième étage de son lieu de travail. Cette information, donnée par l'AP-HP n'est pas sans conséquences sur l'émoi des soignants. Et pose question.
Elle fait écho aux huit suicides de soignants- dont deux en lien formel avec l'activité professionnelle - qui ont eu lieu cet été en France. Elle survient aussi un peu plus d'un an après le passage à l'acte d'un cardiologue dans le même établissement. Suite à ce drame, l'HEGP avait été épinglé par l'IGAS. Lequel avait pointé des manquements dans le traitement d'un conflit qui avait conduit le geste du spécialiste, parmi lesquels "l'absence de signalement de sa souffrance".
N'ayant encore que très peu de données sur le suicide de cet infirmier dimanche, les informations qui circulent sur les liens de causalité sont à prendre avec précaution. Une enquête a été diligentée par la direction de l'hôpital européen Georges Pompidou pour comprendre les raisons du drame.
La cellule d'analyse des suicides a été saisie, en lien avec les représentants du CHSCT. D'autre part, Edouard Couty, qui a été nommé médiateur national dans le cadre d'un plan d'action pour prévenir le malaise des soignants et les situations conflictuelles à l'hôpital, a également été saisi.
Le SNPI s'indigne et dénonce les conditions de travail
De son côté, le SNPI (syndicat national des professionnels infirmiers) s'indigne. Au-delà du cas individuel de ce soignant, il fait le lien entre la souffrance au travail qui découle du plan de "désorganisation du temps de travail".
Pour Thierry Amouroux, le secrétaire général du SNPI, "les conditions de travail se dégradent un peu partout. La pression devient trop rude sur des professionnels que l'on pousse à bout. Ces réorganisations sont en rupture avec les valeurs soignantes et débouchent sur une maltraitance des soignants et la mise en danger des patients".
Vers une prévention des risques psycho-sociaux pour les infirmiers?
Ce suicide intervient alors qu'une stratégie nationale pour l'amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé a été mise en place en décembre dernier. Mesures de prévention des risques psycho-sociaux, suivi individuel des salariés. : 30 millions d'euros sur trois ans doivent être consacrés à la généralisation d'équipes pluri-professionnelles dans chaque GHT (Groupement Hospitalier de Territoire), en renfort des services de santé au travail. Constituées au minimum de psychologues, d'assistants sociaux et de conseillers en prévention des risques professionnels, elles contribuent à l'accompagnement des professionnels en fragilité ou de retour au travail après une longue absence. Si l'intention avait été saluée lors de sa présentation, les représentants infirmiers dénoncent néanmoins la faiblesse des moyens annoncés et une gestion des risques psycho-sociaux (RPS) prévalant sur leur prévention.
Marisol Touraine, à l'origine de ce plan, a exprimé par voie de presse sa "vive émotion" ainsi que son "soutien aux équipes de l'établissement ainsi qu'à l'ensemble des professionnels de santé, endeuillées par le drame".
Rédaction ActuSoins
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Publié le 18/02/2017
Un pacemaker, ça trompe énormément !
Middletown, Ohio, le samedi 18 février 2017 - En septembre dernier, Ross Compton, un citoyen de la ville de Middletown dans l’Ohio alerte les pompiers suite à l’incendie de sa maison. Il prétend avoir fui le brasier en toute hâte en emportant certains de ses effets personnels…
Troublé par le récit de cet homme, qui, bien que souffrant d’une grave insuffisance cardiaque, raconte l’histoire d’une sortie plutôt sportive de son habitation, les policiers demandent un mandat de perquisition de son pacemaker afin de recueillir les données y étant colligées.
Il est alors apparu qu’au moment des faits, son rythme cardiaque ne correspondait ni à un stress intense ni à un effort physique important.
De plus le cardiologue mandaté pour l’expertise a jugé qu’il était « hautement improbable que monsieur Compton ait été en mesure de collecter, emballer et retirer de nombreux éléments de la maison, quitter la fenêtre de sa chambre à coucher et transporter de nombreux objets volumineux et lourds (…) pendant cette courte période de temps en raison de son état de santé ».
Poursuivant leurs investigations, les enquêteurs ont décelé des traces d'essences sur la chemise, le pantalon et les chaussures qu'il portait ce soir-là, corroborant ainsi la piste d’une fraude à l’assurance…
Faut-il désormais faire un choix entre la santé et la vie privée ?
Si cette affaire peut prêter à sourire, elle éveille les craintes de certaines associations américaines. Ainsi, un représentant de l’une d’entre elles déclarait : « les Américains ne devraient pas avoir à faire un choix entre la santé et la vie privée. Obliger les citoyens à fournir leurs données de santé érode leurs droits » et ces propos traduisent les inquiétudes grandissantes concernant l’utilisation « détournée » des données de santé…
Frédéric Haroche
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Publié le 18/02/2017
Moi Président, j’abolirais le Numerus clausus
Paris, le samedi 18 février 2017 – A l’approche des élections présidentielles, pas un jour ne passe sans qu’une organisation, un syndicat, une institution ne se presse pour égrener une série de mesures à soumettre aux candidats. Dans le domaine de la santé, on a ainsi vu ces derniers jours la Fédération des médecins de France (FMF), la conférence des CHU ou encore l’Ordre des médecins décliner leurs propositions, toutes inspirées par un état des lieux complet et complexe de la situation. Le diagnostic pourtant n’est pas toujours si ardu à établir, tandis que le traitement pourrait être aussi simple que drastique. C’est notamment ce que préconise le Dr Daniel Wallach, auteur notamment d’ouvrages sur la démographie médicale. Son premier remède face aux enjeux qui s’imposeront demain au système de santé est simple : mettre fin au numerus clausus, dont il nous rappelle ici les nombreuses aberrations.
Par le Dr Daniel Wallach
Les préoccupations liées à la santé sont omniprésentes dans les conversations familiales comme dans les programmes politiques. Déserts médicaux, encombrements des urgences, nécessité d’être inscrit chez un médecin traitant, difficultés d’accès aux spécialistes, délais invraisemblables des rendez-vous de consultations, accès aux soins des populations précaires, on en passe. Les journaux, les forums de discussions, les réunions, fourmillent de ces constats et d’innombrables propositions de solutions, qui ont toutes leurs partisans et leurs adversaires.
Il me semble qu’une des causes essentielles de ces difficultés est la spectaculaire pénurie médicale organisée depuis 1971 par les décideurs qui ont mis en place et pérennisé le Numerus clausus.
Histoire du Numerus clausus
Tout a commencé en 1971. Les évènements de Mai 1968 avaient eu deux conséquences importantes : l’afflux de jeunes vers les universités, en médecine comme ailleurs, et la suppression du concours de l’Externat. Dorénavant, tous les étudiants de deuxième cycle devaient avoir des fonctions hospitalières. La motivation initiale du Numerus clausus a donc été de s’assurer que tous les étudiants auraient un stage digne de ce nom. On a recensé les stages avec évidemment des critères flous, et on a conclu qu’on pouvait admettre 8 588 étudiants par an. Ce n’était pas très éloigné des effectifs antérieurs, et on ne parlait pas particulièrement de baisser ce chiffre. Quoique présentée comme purement technique par le gouvernement, cette mesure a suscité des commentaires très politiques : approbation des organisations « de droite » peu désireuses de voir augmenter le nombre de médecins, critique des organisations « de gauche » qui voyaient là une restriction du savoir (critique universitaire) et une limitation de l’accès aux soins (critique sociale et médicale).
Au cours des décennies suivantes, et plus spécialement de 1975 à 2000, tous les gouvernements successifs ont diminué le chiffre du Numerus clausus, en se basant sur deux ordres d’arguments. L’un émanait d’économistes : « Il faut maîtriser les dépenses de santé », et l’autre de la profession médicale : « Il faut lutter contre la pléthore médicale ». Tous deux se sont révélés nocifs.
Il faut maîtriser les dépenses de santé
Dans les années 1970, les économistes ont constaté que les dépenses de santé augmentaient plus vite que le PIB et le consensus était que cela ne pouvait pas durer. Comment faire ? Agir sur la demande est difficile, on ne peut pas empêcher les gens d’être malades. On décida donc d’agir sur l’offre : fermetures de lits d’hôpitaux, limitation des achats de matériels coûteux (scanners, …) par exemple. Mais surtout, puisque toutes les dépenses médicales sont ordonnées par des médecins, il est apparu nécessaire de diminuer, ou du moins de ne pas augmenter le nombre de médecins. Et le Numerus clausus était pour cela un instrument parfait. On diminua donc le nombre d’étudiants admis à étudier la médecine en France, par voie gouvernementale, sans aucune référence au fait que la population augmente, vieillit, demande à être plus et mieux soignée, sans aucune attention au fait que la profession se féminise, que les métiers se transforment, qu’on travaille moins, ….
La crainte de la pléthore médicale
Confrontés à des économistes expliquant qu’il faut diminuer le nombre de médecins, les gouvernants ont logiquement pris l’avis de la profession concernée, et donc des syndicats de médecins libéraux. Ceux-ci ont une préoccupation prioritaire : éviter la pléthore médicale que laissaient craindre à la fin des années 1960 les bataillons d’étudiants inscrits en première année de médecine. Cette future pléthore était vécue comme synonyme de paupérisation, de démotivation, de chômage (qui n’a jamais existé mais était toujours invoqué), et aussi de fonctionnarisation, épouvantail de la médecine libérale. Donc les syndicats médicaux ont toujours été à la pointe du combat pour un Numerus clausus aussi bas que possible, et militaient en outre pour des reconversions, des réorientations, des retraites précoces.
Donc, tout le monde ou presque étant d’accord, voici la courbe éloquente du Numerus clausus :
L’évolution du Numerus clausus entre 1971 et 2006.
Depuis, la lente remontée a été poursuivie, et en 2017 le Numerus clausus a été fixé à 8124, soit moins qu’en 1971.
(Courbe publiée dans le Quotidien du Médecin, le 23 Janvier 2007, et reproduite in :
Wallach D. Numerus clausus. Pourquoi la France va manquer de médecins. Springer, 2011)
Faits alternatifs ?
A l’époque, on ne parlait pas encore de post-vérité ni de faits alternatifs. Comment qualifier alors les affirmations sur les effectifs médicaux qui ont servi aux gouvernants à justifier les chiffres du Numerus clausus ?
Autour de 1990, alors que la France compte environ 170 000 médecins, une idée s’impose : il y a 30 000 médecins de trop. Qui le dit ? Presque tout le monde : la CNAM (Etude démographique, avril 1990), le Ministère de la santé et les groupes de travail réunis sur ce problème, les syndicats médicaux (selon la CSMF, 20 000 médecins de trop, bientôt 50 000). On parle de l’urgence de plans de reconversion, de « véritable plan Marshall… ». Les experts sont unanimes, quelle que soit leur orientation politique : Alain Minc en 1988 : « il faut d’urgence recycler 30 000 médecins » ; Michel Rocard en 1990 : « sans doute 30 000 médecins de trop » ; Raymond Barre en 1991 : « il faut diminuer "de façon drastique" le nombre d’étudiants en médecine ».
Cette unanimité alimente un Numerus clausus au plus bas.
A la fin des années 1990, certains responsables, toujours très minoritaires, commencent à se demander si tout ceci est bien raisonnable. Car les démographes pouvaient très facilement, à partir des chiffres de Numerus clausus et des départs en retraite, prévoir les effectifs médicaux futurs. Après une augmentation qui culminerait vers 2000-2010 avec environ 200 000 médecins, ce qui était présenté comme une catastrophe, on se dirigeait vers une diminution : entre 120 000 et 160 000 médecins à l’horizon 2030. Cette prévision d’une diminution spectaculaire des effectifs médicaux était attendue avec espoir par les partisans du Numerus clausus. Cet aveuglement unanime et durable laisse pantois. Pour être juste, mentionnons que deux groupes s’opposaient au Numerus clausus : les doyens des Facultés, qu’on accusait de ne rien comprendre à la réalité du terrain et de ne plaider que pour leur propre intérêt, et le Parti communiste, qui estimait que la population a besoin de médecins, mais que personne n’écoutait non plus. A la fin des années 1990, on commence cependant à s’apercevoir que les 30 000 médecins de trop n’ont jamais existé, qu’à peine quelques dizaines se sont reconvertis, pour des raisons personnelles, et que lorsqu’on arrivera dans les années 2000 à effectivement environ 200 000 médecins, tout le monde pourra constater que ce n’est pas la pléthore redoutée, le chômage et la paupérisation, mais au contraire le début d’une pénurie dont on n’a pas encore pris toute la mesure. Quelle vérité ? Qui croire ? Que savent les experts ? Comment décident les gouvernants ?
Ce n’est donc qu’à partir de 1998 que l’on commencera, timidement et avec toujours des controverses, à augmenter le Numerus clausus. Aujourd’hui en 2017, il est fixé à 8124, c’est-à-dire que le niveau de 1971 n’est pas encore atteint.
Faillite de la planification
L’instauration du Numerus clausus correspond à l’idée qu’il est souhaitable, et possible, de planifier les effectifs médicaux, de ne pas se fier au seul pragmatisme. Mais les planificateurs ont eu tout faux. Ils n’ont pas tenu compte du progrès médical, de l’augmentation des besoins médicaux, de l’accroissement de la population, de son vieillissement. Ils n’ont pas tenu compte de l’évolution de la société, des mentalités, de la diminution du temps de travail, de la féminisation salutaire de la profession, de la réalité de la pratique, des exercices non soignants, des diplômes non utilisés, du temps partiel, du manque d’attrait des zones rurales et des banlieues, …
Bref, ils ont empêché des dizaines de milliers de jeunes de devenir médecins, et ont privé la population de leurs services.
Que voit-on aujourd’hui ? Une profession durablement démoralisée (on ne répète pas impunément aux médecins pendant 30 ans qu’ils sont trop nombreux, qu’ils coûtent trop cher, qu’ils feraient mieux de faire autre chose, …), des médecins peu nombreux, surchargés, livrés en outre, c’est un autre problème, à des administrations qui ont la prétention de les diriger (administrations hospitalières et assureurs, publics et privés) en les soumettant à leur idéologie (économie, paperasse, …).
Et bien entendu, une fois le mal fait, des solutions, plus catastrophiques les unes que les autres, sont mises en œuvre ou envisagées : aller se former à l’étranger (pas en Angleterre ni aux USA, en Roumanie), partir pour échapper au concours d’entrée, revenir passer des épreuves de fin d’études où personne n’est recalé (les extraordinaires ECN). On se demande aussi si on ne pourrait pas admettre aux études de médecine, en court-circuitant le concours, des étudiants en lettres, en commerce, peu importe du moment qu’on ne leur demande pas de passer un examen exigeant…. On se demande aussi si des professions intermédiaires (comme les Physician assistants américains) ne pourraient pas venir soigner les pauvres ou les ruraux….
La suppression du Numerus clausus paraît une mesure de bon sens. Mais maintenant qu’il est si bien installé dans le paysage, sa suppression effraie. Que va-t-il se passer ?
Esquisse d’un monde post-Numerus clausus
Il est strictement impossible de fixer à l’avance les effectifs médicaux, que ce soit de façon globale comme le fait le Numerus clausus, ou spécialité par spécialité comme essaient de le faire les filières de troisième cycle. Ces effectifs dépendent de l’évolution de la société, de son organisation sociale et économique, du progrès médical.
La formation des médecins ne dépend pas d’une administration mais de l’Université. Cela pourrait être différent, mais dans notre Société, depuis environ 1000 ans, c’est ainsi.
Les établissements responsables de cette formation, Facultés ou UER ou UFR ou Instituts ou Ecoles ou ce que l’on voudra, sont extrêmement différents des autres établissements universitaires (lettres, sciences, droit, …) parce qu’ils forment uniquement au métier de médecin, qui a une importance particulière pour la population, et que pour ce faire ils ont un lien très fort avec les hôpitaux. Le terme de CHU désigne correctement ces Facultés-Hôpitaux.
Laissons-les donc travailler : sélectionner leurs étudiants (ce n’est pas difficile, le bac scientifique le fait très bien), valoriser le métier d’enseignant en médecine, contrôler la qualité de cet enseignement et organiser aussi la formation continue.
Tout ceci bien entendu au service des patients, ceux qui ont besoin de dormir à l’hôpital, ceux qui ont besoin d’un plateau technique hospitalier, et tous les autres, en ville, à la campagne, partout.
Inutile de donner un chiffre, c’est impossible. Certains médecins n’exerceront pas, d’autres auront des fonctions non soignantes (recherche, industrie, presse, administration), d’autres soigneront dans le secteur public, hospitalier ou ambulatoire, d’autres seront libéraux, la plupart auront un exercice mixte, beaucoup travailleront à temps partiel.
Les jeunes médecins ne peupleront pas les campagnes, mais aucun (jeune ou vieux) ne refusera d’y passer une journée par mois, ou moins, ou plus, correctement organisée. Mieux vaut payer un chauffeur à un spécialiste pour aller un jour par mois conseiller des populations éloignées des CHU que payer 30 ambulances pour amener ces patients à sa consultation.
Les défis que pose la santé de la population en ce vingt-et-unième siècle sont nombreux et complexes. Ils ne seront pas faciles à résoudre et donneront lieu à d’innombrables discussions. Mais il y a un préalable : cesser de limiter autoritairement et sans base rationnelle le nombre d’étudiants en médecine. Donc, Moi Président comme on dit, je commencerais par abolir le Numerus clausus.
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Suicide de Jean-Louis Mégnien: un « homicide involontaire » pour l’inspection du travail
Paris, le jeudi 9 février 2017 – Le 17 décembre 2015, le professeur de cardiologie Jean-Louis Mégnien, père de cinq enfants, mettait fin à ses jours en se jetant du septième étage de l’Hôpital européen Georges Pompidou. Différentes enquêtes avaient été immédiatement diligentées pour faire la lumière sur les circonstances de ce drame. Très vite, les difficultés professionnelles rencontrées par le praticien depuis plusieurs années ont été évoquées. Il est notamment apparu que le cardiologue semblait être la première victime de luttes intestines au sein du Centre de médecine préventive cardiovasculaire (CMPV). Après avoir été évincé de sa direction (en dépit d’un accord initial), le praticien a ainsi vu ses conditions de travail considérablement se dégrader (suppression de bureau et de secrétariat, attitudes méprisantes marquées etc.). Ses nombreux appels à l’aide étant demeurés sans réponse, le professeur Jean-Louis Mégnien a présenté les premiers signes d’une dépression, mais demeurait fermement attaché à son travail. Après un arrêt de travail de plusieurs mois, quelques jours après sa réintégration (nullement accompagnée par son service qui avait même fait procéder au changement de serrure du bureau du praticien sans l’en avertir), Jean-Louis Mégnien se suicide à l’hôpital.
Anne Costa épinglée
Les rapports publiés jusqu’à aujourd’hui n’ont pas voulu se prononcer sur l’impact du probable harcèlement subi par le praticien dans son passage à l’acte (sans parler du fait que les conclusions de l’Inspection générale des affaires sociales n’ont pas été rendues publiques pour le motif singulier qu’elles porteraient atteinte à certains des responsables de l’HEGP). Néanmoins, des dysfonctionnements certains ont été reconnus, que ce soit dans la procédure de désignation du chef du CMPV ou dans le traitement de la situation du praticien. Aujourd’hui, l’Inspection générale du travail va plus loin. Dans un rapport dont les conclusions sont révélées par le Figaro, il fait du suicide de Jean-Louis Mégnien un homicide involontaire. Toujours selon le quotidien, les conclusions des deux inspecteurs se montrent particulièrement sévères à l’encontre de l’action (et/ou de l’inaction) de la directrice de l’établissement, Anne Costa (qui doit bientôt quitter l’HEGP) dont la position a toujours été critiquée par les proches de Jean-Louis Mégnien. L’association des amis du cardiologue s’étonnait notamment récemment qu’aucune menace ne pèse sur la directrice de l’établissement, bien qu’elle ait probablement failli à sa mission d’arbitre impartial.
L’organisation avait été rudement critiquée pour cette dénonciation par plusieurs associations de directeurs d’hôpitaux. Mais aujourd’hui, le rapport de l’inspection générale du travail semble lui donner raison. Ce dernier a été transmis au procureur de la République de Paris, alors qu’une instruction judiciaire a déjà été ouverte. Cette nouvelle étape devrait sans doute relancer les demandes de l’association des amis de Jean-Louis Mégnien en faveur de la publication des conclusions de l’IGAS et d’une diligence plus soutenue dans la mise en œuvre de sanctions à l’encontre des directeurs d’hôpitaux suspectés de favoriser le harcèlement professionnel.
Aurélie Haroche
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Suicide d’un infirmier à l’HEGP : la communauté soignante de nouveau sous le choc
7 février 2017 | Malika Surbled
Après le suicide par défenestration d'un infirmier à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) dans la nuit de dimanche à lundi, la communauté soignante est de nouveau sous le choc.
Certes, le lien de causalité entre le passage à l'acte et le travail de l'infirmier n'est pas établi. Certes, l'infirmier n'était pas de service ce jour là. Mais il s'est défenestré depuis le huitième étage de son lieu de travail. Cette information, donnée par l'AP-HP n'est pas sans conséquences sur l'émoi des soignants. Et pose question.
Elle fait écho aux huit suicides de soignants- dont deux en lien formel avec l'activité professionnelle - qui ont eu lieu cet été en France. Elle survient aussi un peu plus d'un an après le passage à l'acte d'un cardiologue dans le même établissement. Suite à ce drame, l'HEGP avait été épinglé par l'IGAS. Lequel avait pointé des manquements dans le traitement d'un conflit qui avait conduit le geste du spécialiste, parmi lesquels "l'absence de signalement de sa souffrance".
N'ayant encore que très peu de données sur le suicide de cet infirmier dimanche, les informations qui circulent sur les liens de causalité sont à prendre avec précaution. Une enquête a été diligentée par la direction de l'hôpital européen Georges Pompidou pour comprendre les raisons du drame.
La cellule d'analyse des suicides a été saisie, en lien avec les représentants du CHSCT. D'autre part, Edouard Couty, qui a été nommé médiateur national dans le cadre d'un plan d'action pour prévenir le malaise des soignants et les situations conflictuelles à l'hôpital, a également été saisi.
Le SNPI s'indigne et dénonce les conditions de travail
De son côté, le SNPI (syndicat national des professionnels infirmiers) s'indigne. Au-delà du cas individuel de ce soignant, il fait le lien entre la souffrance au travail qui découle du plan de "désorganisation du temps de travail".
Pour Thierry Amouroux, le secrétaire général du SNPI, "les conditions de travail se dégradent un peu partout. La pression devient trop rude sur des professionnels que l'on pousse à bout. Ces réorganisations sont en rupture avec les valeurs soignantes et débouchent sur une maltraitance des soignants et la mise en danger des patients".
Vers une prévention des risques psycho-sociaux pour les infirmiers?
Ce suicide intervient alors qu'une stratégie nationale pour l'amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé a été mise en place en décembre dernier. Mesures de prévention des risques psycho-sociaux, suivi individuel des salariés. : 30 millions d'euros sur trois ans doivent être consacrés à la généralisation d'équipes pluri-professionnelles dans chaque GHT (Groupement Hospitalier de Territoire), en renfort des services de santé au travail. Constituées au minimum de psychologues, d'assistants sociaux et de conseillers en prévention des risques professionnels, elles contribuent à l'accompagnement des professionnels en fragilité ou de retour au travail après une longue absence. Si l'intention avait été saluée lors de sa présentation, les représentants infirmiers dénoncent néanmoins la faiblesse des moyens annoncés et une gestion des risques psycho-sociaux (RPS) prévalant sur leur prévention.
Marisol Touraine, à l'origine de ce plan, a exprimé par voie de presse sa "vive émotion" ainsi que son "soutien aux équipes de l'établissement ainsi qu'à l'ensemble des professionnels de santé, endeuillées par le drame".
Rédaction ActuSoins
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Publié le 18/02/2017
Un pacemaker, ça trompe énormément !
Middletown, Ohio, le samedi 18 février 2017 - En septembre dernier, Ross Compton, un citoyen de la ville de Middletown dans l’Ohio alerte les pompiers suite à l’incendie de sa maison. Il prétend avoir fui le brasier en toute hâte en emportant certains de ses effets personnels…
Troublé par le récit de cet homme, qui, bien que souffrant d’une grave insuffisance cardiaque, raconte l’histoire d’une sortie plutôt sportive de son habitation, les policiers demandent un mandat de perquisition de son pacemaker afin de recueillir les données y étant colligées.
Il est alors apparu qu’au moment des faits, son rythme cardiaque ne correspondait ni à un stress intense ni à un effort physique important.
De plus le cardiologue mandaté pour l’expertise a jugé qu’il était « hautement improbable que monsieur Compton ait été en mesure de collecter, emballer et retirer de nombreux éléments de la maison, quitter la fenêtre de sa chambre à coucher et transporter de nombreux objets volumineux et lourds (…) pendant cette courte période de temps en raison de son état de santé ».
Poursuivant leurs investigations, les enquêteurs ont décelé des traces d'essences sur la chemise, le pantalon et les chaussures qu'il portait ce soir-là, corroborant ainsi la piste d’une fraude à l’assurance…
Faut-il désormais faire un choix entre la santé et la vie privée ?
Si cette affaire peut prêter à sourire, elle éveille les craintes de certaines associations américaines. Ainsi, un représentant de l’une d’entre elles déclarait : « les Américains ne devraient pas avoir à faire un choix entre la santé et la vie privée. Obliger les citoyens à fournir leurs données de santé érode leurs droits » et ces propos traduisent les inquiétudes grandissantes concernant l’utilisation « détournée » des données de santé…
Frédéric Haroche
Copyright © http://www.jim.fr
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Publié le 18/02/2017
Moi Président, j’abolirais le Numerus clausus
Paris, le samedi 18 février 2017 – A l’approche des élections présidentielles, pas un jour ne passe sans qu’une organisation, un syndicat, une institution ne se presse pour égrener une série de mesures à soumettre aux candidats. Dans le domaine de la santé, on a ainsi vu ces derniers jours la Fédération des médecins de France (FMF), la conférence des CHU ou encore l’Ordre des médecins décliner leurs propositions, toutes inspirées par un état des lieux complet et complexe de la situation. Le diagnostic pourtant n’est pas toujours si ardu à établir, tandis que le traitement pourrait être aussi simple que drastique. C’est notamment ce que préconise le Dr Daniel Wallach, auteur notamment d’ouvrages sur la démographie médicale. Son premier remède face aux enjeux qui s’imposeront demain au système de santé est simple : mettre fin au numerus clausus, dont il nous rappelle ici les nombreuses aberrations.
Par le Dr Daniel Wallach
Les préoccupations liées à la santé sont omniprésentes dans les conversations familiales comme dans les programmes politiques. Déserts médicaux, encombrements des urgences, nécessité d’être inscrit chez un médecin traitant, difficultés d’accès aux spécialistes, délais invraisemblables des rendez-vous de consultations, accès aux soins des populations précaires, on en passe. Les journaux, les forums de discussions, les réunions, fourmillent de ces constats et d’innombrables propositions de solutions, qui ont toutes leurs partisans et leurs adversaires.
Il me semble qu’une des causes essentielles de ces difficultés est la spectaculaire pénurie médicale organisée depuis 1971 par les décideurs qui ont mis en place et pérennisé le Numerus clausus.
Histoire du Numerus clausus
Tout a commencé en 1971. Les évènements de Mai 1968 avaient eu deux conséquences importantes : l’afflux de jeunes vers les universités, en médecine comme ailleurs, et la suppression du concours de l’Externat. Dorénavant, tous les étudiants de deuxième cycle devaient avoir des fonctions hospitalières. La motivation initiale du Numerus clausus a donc été de s’assurer que tous les étudiants auraient un stage digne de ce nom. On a recensé les stages avec évidemment des critères flous, et on a conclu qu’on pouvait admettre 8 588 étudiants par an. Ce n’était pas très éloigné des effectifs antérieurs, et on ne parlait pas particulièrement de baisser ce chiffre. Quoique présentée comme purement technique par le gouvernement, cette mesure a suscité des commentaires très politiques : approbation des organisations « de droite » peu désireuses de voir augmenter le nombre de médecins, critique des organisations « de gauche » qui voyaient là une restriction du savoir (critique universitaire) et une limitation de l’accès aux soins (critique sociale et médicale).
Au cours des décennies suivantes, et plus spécialement de 1975 à 2000, tous les gouvernements successifs ont diminué le chiffre du Numerus clausus, en se basant sur deux ordres d’arguments. L’un émanait d’économistes : « Il faut maîtriser les dépenses de santé », et l’autre de la profession médicale : « Il faut lutter contre la pléthore médicale ». Tous deux se sont révélés nocifs.
Il faut maîtriser les dépenses de santé
Dans les années 1970, les économistes ont constaté que les dépenses de santé augmentaient plus vite que le PIB et le consensus était que cela ne pouvait pas durer. Comment faire ? Agir sur la demande est difficile, on ne peut pas empêcher les gens d’être malades. On décida donc d’agir sur l’offre : fermetures de lits d’hôpitaux, limitation des achats de matériels coûteux (scanners, …) par exemple. Mais surtout, puisque toutes les dépenses médicales sont ordonnées par des médecins, il est apparu nécessaire de diminuer, ou du moins de ne pas augmenter le nombre de médecins. Et le Numerus clausus était pour cela un instrument parfait. On diminua donc le nombre d’étudiants admis à étudier la médecine en France, par voie gouvernementale, sans aucune référence au fait que la population augmente, vieillit, demande à être plus et mieux soignée, sans aucune attention au fait que la profession se féminise, que les métiers se transforment, qu’on travaille moins, ….
La crainte de la pléthore médicale
Confrontés à des économistes expliquant qu’il faut diminuer le nombre de médecins, les gouvernants ont logiquement pris l’avis de la profession concernée, et donc des syndicats de médecins libéraux. Ceux-ci ont une préoccupation prioritaire : éviter la pléthore médicale que laissaient craindre à la fin des années 1960 les bataillons d’étudiants inscrits en première année de médecine. Cette future pléthore était vécue comme synonyme de paupérisation, de démotivation, de chômage (qui n’a jamais existé mais était toujours invoqué), et aussi de fonctionnarisation, épouvantail de la médecine libérale. Donc les syndicats médicaux ont toujours été à la pointe du combat pour un Numerus clausus aussi bas que possible, et militaient en outre pour des reconversions, des réorientations, des retraites précoces.
Donc, tout le monde ou presque étant d’accord, voici la courbe éloquente du Numerus clausus :
L’évolution du Numerus clausus entre 1971 et 2006.
Depuis, la lente remontée a été poursuivie, et en 2017 le Numerus clausus a été fixé à 8124, soit moins qu’en 1971.
(Courbe publiée dans le Quotidien du Médecin, le 23 Janvier 2007, et reproduite in :
Wallach D. Numerus clausus. Pourquoi la France va manquer de médecins. Springer, 2011)
Faits alternatifs ?
A l’époque, on ne parlait pas encore de post-vérité ni de faits alternatifs. Comment qualifier alors les affirmations sur les effectifs médicaux qui ont servi aux gouvernants à justifier les chiffres du Numerus clausus ?
Autour de 1990, alors que la France compte environ 170 000 médecins, une idée s’impose : il y a 30 000 médecins de trop. Qui le dit ? Presque tout le monde : la CNAM (Etude démographique, avril 1990), le Ministère de la santé et les groupes de travail réunis sur ce problème, les syndicats médicaux (selon la CSMF, 20 000 médecins de trop, bientôt 50 000). On parle de l’urgence de plans de reconversion, de « véritable plan Marshall… ». Les experts sont unanimes, quelle que soit leur orientation politique : Alain Minc en 1988 : « il faut d’urgence recycler 30 000 médecins » ; Michel Rocard en 1990 : « sans doute 30 000 médecins de trop » ; Raymond Barre en 1991 : « il faut diminuer "de façon drastique" le nombre d’étudiants en médecine ».
Cette unanimité alimente un Numerus clausus au plus bas.
A la fin des années 1990, certains responsables, toujours très minoritaires, commencent à se demander si tout ceci est bien raisonnable. Car les démographes pouvaient très facilement, à partir des chiffres de Numerus clausus et des départs en retraite, prévoir les effectifs médicaux futurs. Après une augmentation qui culminerait vers 2000-2010 avec environ 200 000 médecins, ce qui était présenté comme une catastrophe, on se dirigeait vers une diminution : entre 120 000 et 160 000 médecins à l’horizon 2030. Cette prévision d’une diminution spectaculaire des effectifs médicaux était attendue avec espoir par les partisans du Numerus clausus. Cet aveuglement unanime et durable laisse pantois. Pour être juste, mentionnons que deux groupes s’opposaient au Numerus clausus : les doyens des Facultés, qu’on accusait de ne rien comprendre à la réalité du terrain et de ne plaider que pour leur propre intérêt, et le Parti communiste, qui estimait que la population a besoin de médecins, mais que personne n’écoutait non plus. A la fin des années 1990, on commence cependant à s’apercevoir que les 30 000 médecins de trop n’ont jamais existé, qu’à peine quelques dizaines se sont reconvertis, pour des raisons personnelles, et que lorsqu’on arrivera dans les années 2000 à effectivement environ 200 000 médecins, tout le monde pourra constater que ce n’est pas la pléthore redoutée, le chômage et la paupérisation, mais au contraire le début d’une pénurie dont on n’a pas encore pris toute la mesure. Quelle vérité ? Qui croire ? Que savent les experts ? Comment décident les gouvernants ?
Ce n’est donc qu’à partir de 1998 que l’on commencera, timidement et avec toujours des controverses, à augmenter le Numerus clausus. Aujourd’hui en 2017, il est fixé à 8124, c’est-à-dire que le niveau de 1971 n’est pas encore atteint.
Faillite de la planification
L’instauration du Numerus clausus correspond à l’idée qu’il est souhaitable, et possible, de planifier les effectifs médicaux, de ne pas se fier au seul pragmatisme. Mais les planificateurs ont eu tout faux. Ils n’ont pas tenu compte du progrès médical, de l’augmentation des besoins médicaux, de l’accroissement de la population, de son vieillissement. Ils n’ont pas tenu compte de l’évolution de la société, des mentalités, de la diminution du temps de travail, de la féminisation salutaire de la profession, de la réalité de la pratique, des exercices non soignants, des diplômes non utilisés, du temps partiel, du manque d’attrait des zones rurales et des banlieues, …
Bref, ils ont empêché des dizaines de milliers de jeunes de devenir médecins, et ont privé la population de leurs services.
Que voit-on aujourd’hui ? Une profession durablement démoralisée (on ne répète pas impunément aux médecins pendant 30 ans qu’ils sont trop nombreux, qu’ils coûtent trop cher, qu’ils feraient mieux de faire autre chose, …), des médecins peu nombreux, surchargés, livrés en outre, c’est un autre problème, à des administrations qui ont la prétention de les diriger (administrations hospitalières et assureurs, publics et privés) en les soumettant à leur idéologie (économie, paperasse, …).
Et bien entendu, une fois le mal fait, des solutions, plus catastrophiques les unes que les autres, sont mises en œuvre ou envisagées : aller se former à l’étranger (pas en Angleterre ni aux USA, en Roumanie), partir pour échapper au concours d’entrée, revenir passer des épreuves de fin d’études où personne n’est recalé (les extraordinaires ECN). On se demande aussi si on ne pourrait pas admettre aux études de médecine, en court-circuitant le concours, des étudiants en lettres, en commerce, peu importe du moment qu’on ne leur demande pas de passer un examen exigeant…. On se demande aussi si des professions intermédiaires (comme les Physician assistants américains) ne pourraient pas venir soigner les pauvres ou les ruraux….
La suppression du Numerus clausus paraît une mesure de bon sens. Mais maintenant qu’il est si bien installé dans le paysage, sa suppression effraie. Que va-t-il se passer ?
Esquisse d’un monde post-Numerus clausus
Il est strictement impossible de fixer à l’avance les effectifs médicaux, que ce soit de façon globale comme le fait le Numerus clausus, ou spécialité par spécialité comme essaient de le faire les filières de troisième cycle. Ces effectifs dépendent de l’évolution de la société, de son organisation sociale et économique, du progrès médical.
La formation des médecins ne dépend pas d’une administration mais de l’Université. Cela pourrait être différent, mais dans notre Société, depuis environ 1000 ans, c’est ainsi.
Les établissements responsables de cette formation, Facultés ou UER ou UFR ou Instituts ou Ecoles ou ce que l’on voudra, sont extrêmement différents des autres établissements universitaires (lettres, sciences, droit, …) parce qu’ils forment uniquement au métier de médecin, qui a une importance particulière pour la population, et que pour ce faire ils ont un lien très fort avec les hôpitaux. Le terme de CHU désigne correctement ces Facultés-Hôpitaux.
Laissons-les donc travailler : sélectionner leurs étudiants (ce n’est pas difficile, le bac scientifique le fait très bien), valoriser le métier d’enseignant en médecine, contrôler la qualité de cet enseignement et organiser aussi la formation continue.
Tout ceci bien entendu au service des patients, ceux qui ont besoin de dormir à l’hôpital, ceux qui ont besoin d’un plateau technique hospitalier, et tous les autres, en ville, à la campagne, partout.
Inutile de donner un chiffre, c’est impossible. Certains médecins n’exerceront pas, d’autres auront des fonctions non soignantes (recherche, industrie, presse, administration), d’autres soigneront dans le secteur public, hospitalier ou ambulatoire, d’autres seront libéraux, la plupart auront un exercice mixte, beaucoup travailleront à temps partiel.
Les jeunes médecins ne peupleront pas les campagnes, mais aucun (jeune ou vieux) ne refusera d’y passer une journée par mois, ou moins, ou plus, correctement organisée. Mieux vaut payer un chauffeur à un spécialiste pour aller un jour par mois conseiller des populations éloignées des CHU que payer 30 ambulances pour amener ces patients à sa consultation.
Les défis que pose la santé de la population en ce vingt-et-unième siècle sont nombreux et complexes. Ils ne seront pas faciles à résoudre et donneront lieu à d’innombrables discussions. Mais il y a un préalable : cesser de limiter autoritairement et sans base rationnelle le nombre d’étudiants en médecine. Donc, Moi Président comme on dit, je commencerais par abolir le Numerus clausus.
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